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© Hiroshi Goto pour PM

Comme un chien

Georges Picard publié le 24 septembre 2012 8 min

Une nouvelle inédite de Pierre Mérot.

Un matin, il y a bien longtemps, le jour n’était pas levé, j’avais dans les vingt-huit ans, l’époque où je m’ennuyais – je m’ennuyais en amour, je m’ennuyais au travail –, un matin donc, dans une voiture de fortune, j’ai écrasé un chien. Il avait une laisse cassée sur le dos, et moi j’avais bu, fumé, fait toutes sortes de choses, auxquelles certains prennent du plaisir et d’autres non. Il y avait à bord une fille plus âgée que moi, je la ramenais mécaniquement, sans envie, parce que c’était le moment de ma vie où je devais – oui, je devais ! – exécuter des actes inintéressants, tels coucher avec des femmes que je ne désirais pas et travailler à des besognes fades comme des hôpitaux. Car je n’avais pas encore compris que l’ennui est un fléau résorbable. Ou était-ce l’amour, ce fléau ?… « Ce détour nous éloigne du chien ! » dira-t-on. Vraisemblablement ! Et alors ? !… C’était un boulevard menant à la Bastille. Lequel ? Je ne sais plus. N’en demandez pas trop. Je n’entends rien démontrer. Quant à la fille, je l’ai su plus tard, elle est morte d’un cancer. Je l’ai appris par des connaissances -communes. Coucher deux nuits ensemble, la première par erreur, la seconde par acharnement, convenez-en, ne produit pas des relations intimes !…  Quoi qu’il en soit, cette nuit-là, cette aube disgracieuse, tout ce petit monde était encore vivant !… Voilà donc le chien qui déboule, issu d’une trajectoire imprévue, comme si  nous étions dans la campagne – car, à certaines heures, la ville ressemble à une campagne égarée, à une jeune innocente. Il s’est jeté sous les roues, n’est-ce pas ? Il était pressé et préoccupé, n’est-ce pas ? La forme persistante et obstinée d’un maître perdu flottait dans sa tête. J’ai freiné comme j’ai pu. Dans ma tête à moi, errait la pensée suivante, laquelle, outre l’alcool et toutes les choses, a retardé le pied : « Quel est donc ce paquet de -malheur, orné de cheveux, que tu emmènes chez toi ? » Et dans sa tête à elle, qu’y avait-il ? Peut-être des sentiments… Je suis un homme malade… Je suis un homme méchant. Et, certainement, je ne veux pas changer. Depuis cent cinquante ans, je ne veux pas changer... Le choc a été mou, et – comment dire ? – décevant. Le phare de ma voiture, je crois, pendouillait – je ne demande ni commentaire ni absolution pour un événement mineur ! Quand même !… Le chien, un pauvre chien-loup, vais-je dire, comme un fou qui n’a rien compris, s’est allongé sur le trottoir. Oui, car, tout de même, je me suis arrêté. Ou est-ce la fille, la fille morte, qui m’a dit : « Mon Dieu, arrête-toi, s’il te plaît ! » Je ne sais plus. En tout cas, nous nous sommes arrêtés. L’aurais-je fait si j’avais écrasé un enfant ? Pas sûr, pas sûr… Un clochard, peut-être…  Qu’importe !… Le chien était plus beau que la fille. La fille, cependant, je m’en souviens, avait des yeux extrêmement clairs et dissymétriques. Je ne me rappelle plus son âge, mais cet âge me paraissait insurmontable, l’âge d’une mère non digérée. Le chien ne comprenait rien du tout, le salaud ! Il souffrait dignement sur le trottoir, les reins cassés, il était un monstrueux chien sans haine, plus beau qu’un regret. Pourquoi ai-je appelé les pompiers ? Pourquoi ai-je appelé la police ? Les pompiers ne sont pas venus. Ils ont transmis l’affaire aux policiers. Les policiers étaient joyeux, légers, allègres. « À certaines heures, visiblement, les policiers sont joyeux, légers, allègres ! » ai-je pensé. J’avais quelques grammes dans le sang, quand même, j’étais prêt à payer ! J’essayais de suspendre mon haleine, toutefois. Le chien, donc, gisait sur le trottoir, l’arrière-train bousillé. Il était incroyablement sage, il respirait vite, aucun sang ne coulait. « On va l’emmener à la fourrière ! » ont-ils prononcé. Et, avec allégresse, ils ont ajouté : « Ne vous en faites pas, monsieur ! » C’était une aube sale et grise, dans une demi-saison, loin, loin, autrefois, et le chien, maintenant, semblait préoccupé par l’immobilité grande, vagissante et incompréhensible qui montait en lui – qui lui faisait de l’œil, ai-je pensé...

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Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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