Hors-série "Philosophie du réchauffement climatique"

Chirico, peintre nietzschéen

Octave Larmagnac-Matheron publié le 16 avril 2023 4 min

Le musée de l’Orangerie accueillait du 16 septembre au 14 décembre 2020 une exposition dédiée à Giorgio De Chirico (1888-1978), un artiste dont Apollinaire, son découvreur, salua la peinture comme un « art intérieur cérébral ».

 

« Seul dans mon triste atelier de la rue Campagne-Première, je commençais à entrevoir les premiers fantômes d’un art plus complet, plus profond, plus compliqué et en un mot, au risque de donner des coliques hépatiques à un critique français, plus métaphysique » : c’est ainsi que Giorgio De Chirico, né à Thessalonique en 1888, retrace les débuts de son séjour parisien. Arrivé dans la capitale en 1911, il suscite très vite l’intérêt de Guillaume Apollinaire, qui le convie à ses soirées du samedi où se rassemble l’avant-garde surréaliste, et, le premier, accole aux œuvres de l’artiste grec l’épithète de « métaphysique ». Un titre en forme d’oxymore : d’un côté, le règne pictural du visible, de l’apparence, de la surface des choses ; de l’autre, les profondeurs insondables de la spéculation intellectuelle, en quête de l’essence éternelle des choses.
 

Nietzsche, dont Chirico a découvert les œuvres dès 1908 avec Ecce Homo et Ainsi parlait Zarathoustra, est la clef de ce paradoxe. Dans La Naissance de la tragédie, le philosophe écrit ces mots que l’on pourrait trouver sous la plume du peintre : « l’art est la tâche suprême et l’activité véritablement métaphysique de cette vie ». À condition de donner au mot « métaphysique » un sens nouveau, qui échappe aux oppositions séculaires entre la matière et l’esprit, l’être et le devenir, le visible et l’invisible, la surface et la profondeur, ce monde-ci et les « arrière-mondes » platoniciens. Au fil de son œuvre, Chirico s’efforce de dévoiler la vérité tapie dans le sensible. Un mystère, une « énigme », selon le mot qu’emploie le peintre pour désigner beaucoup de ses œuvres des années 1910. Le peintre « nous montre que ce que l’on regarde n’est pas ce que l’on voit », souligne Caroline Thompson dans son essai Giorgio De Chirico, la fabrique des rêves.

Expresso : les parcours interactifs
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