Ce qui nous grandit
Qu’est-ce qui permet à un individu de faire reconnaître son autorité ? Apparemment, des vertus telles que le courage, l’intelligence ou la compétence ne suffisent pas, ni même la position sociale que l’on occupe. Et si la réponse à ce mystère résidait plutôt dans la capacité de nous « augmenter », de nous rendre meilleurs ?
Commençons par une histoire vécue qui m’a toujours paru mystérieuse. Florin est un grand ami d’origine roumaine. À 17 ans, ne supportant plus la chape de plomb qui étouffait la Roumanie totalitaire de Ceauşescu, il a profité d’un voyage scolaire en Hongrie pour sauter d’un train en marche, franchir le rideau de fer et venir en France respirer l’air de la liberté, sans même prévenir ses parents. Féru d’art, de musique et de littérature classique, il peut reproduire des sculptures en marbre de Michel-Ange, parle le français de Racine et lit Shakespeare en anglais. Après de brillantes études de mathématiques, il a obtenu la nationalité française, s’est marié et a eu deux enfants. Une grande réussite en somme. Sauf que sa vie s’est un jour fracassée sur le problème de l’autorité. Ne trouvant pas de poste en fac après sa thèse, il a passé l’agrégation et s’est donc retrouvé dans un lycée difficile du nord de Paris sans aucune préparation. Le premier jour, au fond de la classe, trois individus mangeaient des kebabs et discutaient pendant qu’il dispensait son premier cours. Il n’a pas supporté l’épreuve de force qui s’engageait et a démissionné dans la semaine de l’Éducation nationale. Depuis, il n’a jamais vraiment retrouvé le chemin de la vie professionnelle…
Cet homme doté du courage des héros et d’une intelligence communicative a été défait par l’épreuve de l’autorité. S’agit-il d’une défaillance personnelle ? Ou ne lui a-t-on pas enseigné les leviers à activer pour se faire respecter ? Si le courage, l’intelligence et la compétence ne suffisent pas, quelle est cette chose impalpable appelée autorité qui permet à ces qualités de s’exprimer ?
Verticalité et horizontalité
« Je suis votre chef ! » Énoncée en juillet dernier par Emmanuel Macron pour mettre fin aux critiques provoquées par un budget des armées revu à la baisse, la formule a fait date. Contesté par ceux dont le métier est d’obéir, le président de la République cherchait à réaffirmer son autorité par l’énoncé pur et simple de sa supériorité : « Je suis le chef des armées et, à ce titre, vous me devez obéissance ! » Cependant, l’autorité n’est pas une donnée factuelle qui serait attachée à la position de pouvoir que l’on occupe ou qu’il suffirait de marteler pour qu’elle produise ses effets. C’est une prétention de grandeur qui doit être étayée sur des capacités et des qualités spécifiques, mais aussi reconnue par ceux sur lesquels elle s’exerce.
« Est-ce un don, un talent, quelque chose qui s’apprend avec l’expérience ? »
Comment s’opère cette métamorphose ? Si mon ami Florin possède toutes les qualités objectives d’un bon éducateur, il lui manque sans doute le charisme et le fait de pouvoir se reposer sur l’institution. Appelons cela la verticale de l’autorité. À l’inverse, Emmanuel Macron, qui semble doté d’une autorité naturelle, est l’objet, à peine élu, d’un procès en autoritarisme, parce qu’il ne ferait pas assez de place à la délibération publique et aux avis des experts ou de l’opposition. Appelons cela l’horizontale de l’autorité. Comment articuler les deux ?
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