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Des manifestants protestent contre le coup d’État manqué du 15 juillet 2016 à Istanbul (cc) Wikimedia Commons / Maurice Flesier

Politique / Monde

Çağla Aykaç : “Il ne semble plus y avoir de rationalité dans les décisions d’Erdoğan”

Victorine de Oliveira publié le 15 septembre 2016 4 min
Depuis le 15 juillet, après la tentative d’une partie de l’armée turque pour renverser le pouvoir en place, le président Recep Tayyip Erdoğan resserre les vis d’un régime de plus en plus autoritaire et répressif. Analyse de la sociologue Çağla Aykaç, collaboratrice scientifique à l’université de Genève et signataire d’une pétition des « Universitaires pour la Paix ». [Actualisation: de nouveaux journalistes d’opposition et plusieurs députés pro-kurdes ont été arrêtés samedi 5 novembre 2016]

Comment comprendre les événements qui ont ébranlé la Turquie cet été ?

Çağla Aykaç : Dans les années 1980, les forces politiques et militaires travaillaient plus ou moins dans le même sens, main dans la main, pour défendre l'idée de la Turquie de Mustafa Kemal. Aujourd’hui, ce sont d’anciens amis, tous conservateurs et nationalistes, qui se disputent au sujet du partage du pouvoir, des richesses, et d’interprétations de la religion. C’est avant tout la société civile qui en pâtit. Tout est fait au nom de la nation turque et de l’État turc, aux dépends des minorités ethniques, religieuses et sexuelles.

 

Comment qualifier le régime d’Erdoğan ?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, Erdoğan a beaucoup changé. Au début, certaines réformes allaient plutôt dans le sens d’une plus grande ouverture, de davantage de démocratie : la reconnaissance de certaines minorités ethniques, la réouverture des écoles chrétiennes, un début de processus de paix avec les Kurdes, la mise au ban de l’armée kémaliste… Les choses ont commencé à changer en 2009 avec un repositionnement au niveau des relations internationales, un rapprochement avec les pays majoritairement musulmans et des tensions avec l'Union européenne.  Le tournant décisif intervient en 2013, après l’occupation du parc de Gezi et la répression de ce mouvement qui réclamait plus de droits et de libertés. Cette logique d’écrasement de toute forme de contestation est toujours à l’œuvre, comme en attestent les nombreuses arrestations de journalistes, d'étudiants, de syndicalistes, d’universitaires et de fonctionnaires depuis plus de deux ans, et exponentiellement après les élections de 2015. Depuis les années 2010, il ne semble plus y avoir de rationalité à l’œuvre dans les décisions d’ Erdoğan. Il anime un régime autoritaire, voire totalitaire.

 

Erdoğan semble pourtant bénéficier du soutien de la population, dont une partie s’est rassemblée sur les grandes places du pays pour lui témoigner son adhésion…

Le mouvement de Gezi était ancré dans un militantisme associatif de longue date, qu’il vienne d’associations féministes, LGBT, ou de protection de l’héritage culturel et urbain. Les manifestations qui suivent le coup d'État manqué du 15 juillet ne sont pas spontanées. Toutes les mosquées du pays et les médias ont été mobilisés en soutien du gouvernement de l'AKP [le Parti de la justice et du développement, d'Erdoğan], et ont lancé des appels à se rassembler, les transports en commun sont devenus gratuits, on a distribué de la nourriture sur les places… Par ailleurs, tous les acteurs sociaux et politiques en Turquie se sont positionnés contre le coup d’État militaire, l’opposition comme la majorité – c’est d’ailleurs la seule chose qui nous rassemble. Les gens qui sont descendus dans la rue ces dernières semaines ne défendent pas la démocratie et son principe de liberté et d’égalité. Ils ne défendent pas le droit à la vie des Kurdes, refusent de parler du génocide arménien, de l’idée que les non-musulmans aient des droits égaux, que les homosexuels puissent vivre librement, que les femmes se comportent comme elles le veulent. L’idée de la supériorité de la race turque et de la religion musulmane sunnite est très forte dans la population. On ne peut plus parler de rien à présent.

 

« Nous sommes passés d’un Empire ottoman multilingue et multi-religieux à un État-nation unitaire, présenté comme mono-ethnique, monolingue et mono-religieux »

Est-ce le signe de l’échec de la politique laïque kémaliste ?

En 1923, on a tenté d’imposer par le haut, via des actions militaires, le principe de laïcité, ainsi que l’idée que nous sommes tous ethniquement turcs et musulmans. Mais cela ne s’est pas fait sans heurts et a mené à la marginalisation des musulmans pratiquants comme de toutes les minorités. La Turquie actuelle est une société où la majorité musulmane sunnite qui est venue au pouvoir avec l'AKP ne désire pas le vivre-ensemble.

Nous sommes passés d’un Empire ottoman multilingue et multi-religieux à un État-nation unitaire, présenté comme mono-ethnique, monolingue et mono-religieux. Pour aller de l’un à l’autre, vous avez plusieurs choix : assimilation, déplacement ou extermination des populations qui ont des identités multiples. En Turquie, les trois se sont produits. Dans des endroits de facto multiculturels, seule une violence extrême permet le passage à une société mono-culturelle. La France est aujourd'hui de facto multiculturelle, du fait de son passé colonial et des migrations. Si vous voulez prétendre à une culture unique, cela ne pourra se faire sans une très grande brutalité. Soit on gère la multiplicité en la considérant comme une richesse et on réfléchit à une forme de citoyenneté multiple, soit on utilise la violence. La Turquie et certains pays d’Europe semblent malheureusement plus enclins à la deuxième option.

 

L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne [UE] est-elle toujours pertinente dans ce contexte ?

On ne sait pas à quoi va ressembler l’UE dans quelques mois, je crois donc qu’il faut avant tout s’armer de patience quant à cette question. Ni l’UE ni la Turquie ne sont aujourd'hui des entités stables, fixes, ou économiquement viables. Leurs frontières sont à la fois de plus en plus rigides et de moins en moins claires. Toutes ces mutations rendent les choses très floues et indécises.

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