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Photogramme issu de la série “Atlanta”. © 2015, FX Networks. Tous droits réservés

"Atlanta" : politique de la peur

Ariane Nicolas publié le 25 novembre 2022 3 min

“Ce n’était qu’un rêve”. C’est le nom du dernier épisode de la série Atlanta (OCS), créée par Donald Glover (alias Childish Gambino, pour ceux qui le connaîtraient par voie musicale) et dont l’ultime saison vient de s’achever. L’une des meilleures séries de ces dernières années, de l’avis d’Ariane Nicolas, qui va lui manquer.

 

« Je pourrais saluer son inventivité, sa drôlerie et son esthétisme, mais j’ai surtout envie d’évoquer le sort qu’elle réserve à un affect : la peur. Pourquoi la peur ? Faisons d’abord les présentations. Dans Atlanta, Donald Glover incarne Earn, un imprésario qui gère la carrière de son cousin rappeur (“Paper Boi”, joué par Bryan Tyree Henry) vivant avec son colocataire new age (Darius, incarné par LaKeith Stanfield). Earn élève sa fille en compagnie de Vanessa (Zazie Beetz), avec qui il est parfois en couple, parfois pas, c’est compliqué. Ce quatuor a la trentaine, et une particularité : ils sont tous noirs. Précision nécessaire car la série explore, sous toutes ses facettes et à travers des genres différents (comédie, thriller, surréalisme…), la question raciale aux États-Unis. C’est là que la peur entre en jeu.

Jusqu’à présent, au cinéma, ce sont les Blancs qui avaient peur des autres. La menace sécuritaire venait soit d’un psychopathe lui-même blanc, brebis égarée qu’il convenait de soigner ou d’enfermer, soit d’un représentant d’une minorité que l’on soupçonnait d’être naturellement violent ou de vouloir se venger : Indien à carquois, gangster noir, italien ou hispanique à revolver, etc. Je caricature un peu mais vous voyez l’esprit : le point de vue de la peur était par défaut celui du groupe dominant. Les films réalisés par des Noirs, de leur côté, mettaient en avant deux affects miroirs : la colère et la fierté, comme le montre très bien le documentaire d’Elvis Mitchell C’est assez noir pour vous ?!? (Netflix), tout juste sorti.

Victimes de l’esclavage, puis de la ségrégation, puis de discriminations, les Noirs ont longtemps préféré se filmer en héros, plutôt qu’en anti-héros plein de doutes et… de peurs. C’est là qu’Atlanta offre un retournement complet du regard. De nombreux épisodes mettent en scène la peur que les Noirs ont des Blancs, et pas seulement des policiers blancs. Tous les Blancs sont jugés menaçants et imprévisibles : les artistes, les PDG, les drogués, les tordus, les avocats, les white trash, etc. Tout une société qui n’est initialement pas configurée pour les Noirs et qui, comme tout terrain étranger, fiche la trouille. On voit ainsi Paper Boi trembler pendant une fusillade, Darius se figer dans le manoir terrifiant d’une célébrité spectrale, Earn consulter un psy pour soigner ses crises d’angoisse.

La peur est un affect profondément politique. Le philosophe Hobbes en fait même l’origine du contrat social. Dans son Léviathan, il indique qu’à l’état de nature, les êtres humains vivent dans une guerre permanente où chacun a peur (“fear”) d’autrui. Pour se débarrasser de ce terrible sentiment, ils s'associent et transfèrent certains de leurs droits, notamment le droit d’être protégés, à une instance suprême, le fameux Léviathan. Mais halte-là ! La peur ne disparaît pas. Le Léviathan tient à son tour ses sujets dans la peur, une crainte (“awe”) paradoxalement plus rassurante que l’état de nature. La paix sociale, c’est en somme de transférer la peur mutuelle entre individus à la crainte partagée de l’État.

En proposant un nouveau récit de la peur, Atlanta – tout comme le film Get Out (2017) de Jordan Peele – montre qu’aux États-Unis, les individus ont encore peur les uns des autres. Cette peur est bien réciproque, et pas seulement le ressenti d’un seul groupe. Le pays est confronté à un problème abyssal, qui explique bien des tragédies récentes : le contrat social états-unien, “ce n’était qu’un rêve”, pour reprendre le titre de l’épisode précité. Les descendants d’esclaves que sont Earn, Paper Boi et Vanessa (Darius est nigérian) sont des hôtes d’une société qui ne voulait pas d’eux au départ et dont bon nombre d’habitants ne veulent toujours pas aujourd’hui. Au fond, les débats américains sur la question raciale auxquels nous assistons n’ont qu’une mission : redéfinir un contrat social plus juste où les Afro-Américains, à leur tour, n’auront plus peur de vivre chez eux. »

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