Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Ariel Colonomos. © Didier Goupy/Signatures

Entretien

Ariel Colonomos : “Une belle idée fait penser et rêver à la fois”

Ariel Colonomos, propos recueillis par Jean-Marie Durand publié le 08 mai 2023 13 min

 

Et si la beauté d’un essai en sciences humaines était essentiel à sa force de conviction ? C’est la thèse que soutient Ariel Colonomos dans un essai audacieux, Le Beau Savoir. Pour une esthétique des sciences humaines (Albin Michel, 2023).

En revenant sur le style, le ton, l’humour, l’inventivité conceptuelle des grands textes de Foucault, Lévi-Strauss, Derrida, Lacan, Butler, Bourdieu ou encore Žižek, il nous explique pourquoi la beauté est un ressort essentiel et pourtant minoré du savoir.


 

À la périphérie de la littérature, les sciences humaines reconnaissent difficilement la beauté comme critère d’appréciation des idées qu’elle promeuvent. Le beau serait moins leur affaire que le vrai ou le bien. Or, comme l’analyse Ariel Colonomos, il existe un beau savoir dès lors que l’on s’attache non seulement au style raffiné de certains philosophes, mais aussi à la forme performative de leur pensée, voire à la drôlerie et l’ironie de certains. Traversant de part en part l’histoire des sciences humaines, Colonomos met ses goûts personnels, parfois sévères pour des auteurs trop lourds formellement à ses yeux, au service d’une réflexion stimulante sur le gai savoir abritant le beau en son sein. Défendant par-dessus tout l’écriture associant rigueur logique et clarté de l’expression, Colonomos rappelle que les penseurs sont à leur manière des sculpteurs, des peintres, des photographes ou des performeurs, dès lors que leurs idées nourrissent des affects.

“L’un des non-dits des sciences humaines, c’est que le beau se voit dissocié du vrai et du juste” Ariel Colonomos

 

Avant de définir ce que vous entendez par “beau savoir”, comment expliquer que l’esthétique des sciences humaines n’ait jamais été un enjeu reconnu et discuté ? Est-ce que parce qu’il est admis que l’écriture des sciences humaines est généralement considérée comme seulement savante, donc aride, austère, dépoétisée ?

Ariel Colonomos : L’esthétique des sciences humaines et la recherche d’un beau savoir sont « l’éléphant dans la pièce » des sciences humaines, leur non-dit. À mon sens, il y a plusieurs raisons à cela, qui sont autant de jeux d’opposition. En premier lieu, alors même qu’il n’en était pas ainsi auparavant, notamment chez les Grecs, le beau se voit dissocié du vrai et du juste. Cette division des tâches fait l’impasse sur une grande aspiration de certains savoirs, aussi bien dans les sciences (les mathématiques notamment) ou en philosophie : produire de la beauté avec la pensée. À l’extérieur de l’université, cette division est validée par la frontière qui sépare la fiction de la non-fiction. La non-fiction est définie par défaut (tout ce qui n’est pas de la fiction), la beauté étant un attribut de la fiction (l’art), la non-fiction en serait donc dépourvue. Dans son pré carré, chaque corps de métier, les savants et les artistes, est évalué suivant ses propres critères. D’autres raisons viennent, malheureusement, renforcer cette exclusion. On associe le savoir en sciences humaines à de la science (ce qui est discutable), et la science serait le registre du sérieux, alors le sérieux prend les atours de la pédanterie (un choix esthétiquement fatal). Enfin, l’esthétique serait superficielle et frivole. Pire encore, elle serait de droite. De fait, de nombreux conservateurs se plaignent de l’abandon des classiques, qui seraient un facteur d’enlaidissement de l’université. Je ne partage pas leur avis, mais la critique des conservateurs est une autre occasion pour les nombreux membres de la communauté des sciences humaines qui ne sont pas de leur bord de se méfier de l’esthétique.

 

Pourquoi avez-vous eu envie de défendre cette idée de l’importance de l’esthétique dans les sciences humaines ? Pour honorer ses beautés cachées ou pour moquer ses impasses formelles ?

J’ai eu envie d’écrire un livre à propos d’une question qui, en effet, était un non-dit, comme si cette question était gênante, alors qu’il devrait en être autrement. Mon livre est essentiellement un livre d’hommage, de gratitude envers un univers dont je veux souligner une qualité qui n’a pas droit de cité. La question est importante, puisqu’il en va de la manière dont nous produisons le savoir, le communiquons et aussi de la manière dont il est reçu. J’ai voulu montrer que le monde du savoir, en l’occurrence dans les sciences humaines, est fait d’émotions liées à la nature esthétique des idées, des textes et des gestes de ces personnes qui incarnent ces savoirs. J’ai aussi voulu rendre hommage à des personnalités marquantes de l’université, des personnes que j’ai connues ou certaines dont j’ai simplement lu les œuvres. J’ai discuté l’esthétique de toutes les œuvres dont je parle. Une esthétique peut être belle ou laide. Comme vous le suggérez, une esthétique peut cacher un manque de contenu, mais ce n’est pas un aspect sur lequel je me suis trop étendu. Il est déjà traité et c’est une posture offensive que je n’ai pas voulu adopter. À propos de la moquerie, je suis en faveur de la provocation mais pas de l’invective nourrie par le ressentiment. Mes propos sont parfois ironiques, mais jamais offensants, je crois.

Pour une esthétique des sciences humaines, avec Ariel Colonomos
Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
Ariel Colonomos : “On ne peut pas réduire la politique à des questions morales”
Charles Perragin 02 septembre 2021

En dépit de l’isolement abrupt que connaît l’Afghanistan, porté aujourd’hui par la peur et le refus d’être administré par un mouvement considéré…

Ariel Colonomos : “On ne peut pas réduire la politique à des questions morales”

Bac philo
3 min
La science
18 mai 2022

Opposée à l’opinion, voire à la sensation, la science désigne toute connaissance rationnelle obtenue par démonstration ou par observation et vérification. Suivant qu’elle précède l’expérience ou qu’elle parte d’elle, sa démarche est…


Article
2 min
Le “mécontemporain” Alain Finkielkraut à l'Académie française
10 avril 2014

Le philosophe Alain Finkielkraut a été élu à l'Académie française ce jeudi 10 avril 2014.


Bac philo
2 min
Bonheur
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Le bonheur est un état de satisfaction durable et complet. Il ne se réduit donc pas au plaisir qui est toujours bref et partiel. Mais si chacun connaît des moments de plaisir, tous n’atteignent pas le bonheur. D’autant qu’être heureux…


Article
10 min
En quoi les jeux vidéo sont-ils “beaux” ?
Nicolas Gastineau 03 juin 2021

Richesse des graphismes, modélisations 3D de haut vol, mondes « ouverts » envoûtants : les jeux vidéo suscitent une expérience…

En quoi les jeux vidéo sont-ils “beaux” ?

Article
4 min
C’est quoi, une belle ville ?
Octave Larmagnac-Matheron 27 janvier 2022

Critiquée pour sa gestion de l’urbanisme, la ville de Paris va se doter d’un « manifeste pour la beauté ». Mais peut-on vraiment se…

C’est quoi, une belle ville ?

Bac philo
6 min
Peut-on être insensible à la beauté ?
Aïda N’Diaye 24 mai 2022

Analyse des termes du sujet « Peut-on ? » Est-ce possible ou est-ce légitime ? « être insensible » Ne pas s’intéresser à ou ne pas être touché par. « beauté » La beauté formelle, la valeur ou la…


Article
6 min
Nathalie Sarthou-Lajus : “Il faut ‘déghettoïser’ les Ehpad”
Frédéric Manzini 04 février 2022

Après la parution des Fossoyeurs (Fayard, 2022), enquête de Victor Castanet sur la maltraitance dans certains Ehpad, la question du grand âge est…

Nathalie Sarthou-Lajus : “Il faut ‘déghettoïser’ les Ehpad”

À Lire aussi
Alain Supiot : “Le néolibéralisme néglige la part d’incalculable de la vie humaine”
Alain Supiot : “Le néolibéralisme néglige la part d’incalculable de la vie humaine”
Par Jean-Marie Durand
août 2022
Silvia Lenzi : “Les consultations musicales prouvent que la beauté a des vertus curatives”
Silvia Lenzi : “Les consultations musicales prouvent que la beauté a des vertus curatives”
Par Audrey Jougla
juin 2022
La conscience
Par Nicolas Tenaillon
août 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Ariel Colonomos : “Une belle idée fait penser et rêver à la fois”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse