Accompagner ou programmer la mort ? Par Guillaume Durand
Dans un manifeste qui emprunte la forme d’une enquête, intitulé Peut-on programmer la mort ? (Le Seuil, coll. Libelle, 2023), le journaliste Pierre Jova, farouchement opposé à l’euthanasie qu’il assimile à un « meurtre », donne libre cours à ses jugements de valeur sur ce qui se passe aujourd’hui en Belgique et en Suisse, avec l’euthanasie et l’aide médicale au suicide.
Le philosophe Guillaume Durand, spécialiste de bio-éthique, auteur d’Un philosophe à l’hôpital (Flammarion, 2021), l’a lu pour nous. Il relève les innombrables biais qui émaillent ce petit livre et appelle à un vrai débat sur la possibilité non pas de « programmer » sa mort, mais de l’anticiper et de l’accompagner. Bref, d’en faire un soin.
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Une méthodologie plus que discutable
« Peut-on programmer la mort ? » S’agit-il ici de déterminer s’il est « possible » de planifier et d’organiser notre mort ainsi que celle des autres ? Le suicide et l’assassinat ne sont-ils pas déjà des preuves suffisantes ? Non, ce que souhaite assurément le journaliste Pierre Jova dans ce petit ouvrage, c’est interroger la légitimité d’un tel acte : plus précisément, l’euthanasie et le suicide assisté sont-ils moralement acceptables ? La thèse de l’auteur est claire comme de l’eau de roche et peut être résumée comme suit : « C’est immoral » (p. 22).
Pour répondre à cette question pourtant complexe, l’auteur a réalisé une « enquête » en Belgique et en Suisse, pays qui pratiquent respectivement l’euthanasie et l’aide médicale au suicide – ce qui est en soi une bonne idée.
Or, malgré des témoignages intéressants et qui doivent être entendus, ce qui frappe en premier lieu, c’est le manque de méthode claire et visible dans le déroulement de cette « enquête » : en particulier, comment a-t-il recruté les témoins ? Dans le livre, les témoignages se succèdent (y compris celui de l’auteur) et sont tous placés au même niveau (médecins, politiques, patients, proches, etc.), sans jamais être questionnés, certains étant même indirects, comme une médecin qui témoigne de l’expérience de la fille d’un malade de Parkinson (p. 19) ou encore recueillis par hasard : Jova cite un chauffeur de taxi rencontré à Namur (p. 41) et aussi une personne qu’il « croise » simplement dans un « couloir » de l’hôpital (p. 7).
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