Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre

Une recension de Mehdi Belhaj Kacem, publié le

Loin de son image de « pasionaria » de la psychanalyse, Élisabeth Roudinesco livre une biographie de Freud qui évite le double écueil de l’apologétique fascinée et de la descente en flamme ignare – elle vient d’ailleurs d’obtenir le prix Décembre. Replaçant « Freud en son temps », elle dégage les racines décisives de l’éclosion de la psychanalyse : psychiatrie, émancipation contrastée des femmes (hystérie), judaïsme érudit et laïc, victoire du darwinisme, physiologie… Ce qui se dégage de plus saisissant à cette lecture, c’est que Freud aura été l’un des seuls, dans une Europe dévastée par la chute de la chrétienté et cherchant convulsivement des religions de remplacement (en politique, avec le communisme et le fascisme, en art, avec le romantisme et les avant-gardes), à produire une sorte de mythologie séculière durable : celle qui met aux prises le sujet humain avec son propre désir. Comme le judaïsme, la psychanalyse représente l’oxymore d’une religion iconoclaste. Sans trop de hasard, c’est avec un admirable essai sur Moïse que Freud conclura ses jours, dans une Europe au bord de l’apocalypse.

 

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