Prélude à son absence
Une recension de Arthur Dreyfus, publié leÇa démarre comme du Sagan : « Cette existence est devenue laide, décevante. Je n’écris plus. Je viens d’avoir trente ans. » Et comme une confession : « Si je devais réfléchir à ce pour quoi j’ai commencé à écrire, je dirais que la littérature, pour moi, consiste à décrire de beaux jeunes hommes. » Aveu trompeur, cependant. Car très tôt, le goût du beau laisse place à celui de la putréfaction. Non du modèle élu, mais de son pygmalion : un double de l’auteur nommé Robin comme lui, employé comme lui – et comme Bataille – d’une bibliothèque, s’éprenant un matin d’un clochard de vingt ans, quasi-sosie de Glenn Gould assis sur un « trottoir sale et collant ». Mais s’éprendre est-il le mot ? La relation qui naît tient en effet moins d’un quelconque amour que du jeu de massacre : Sven le SDF n’a aucune envie de connaître le bourgeois qui le courtise, il méprise « les pédés », et n’a rien à proposer en contrepartie des livres, des fringues ou de l’argent que l’autre se ruine à lui offrir. De jours noirs en nuits grises, l’amertume s’installe.
Et le livre décolle dans sa splendeur masochiste. Aux prises avec un désir jugé « sale, ambigu, mauvais », le narrateur s’humilie à mendier de l’amour au mendiant, s’enfonçant dans une affliction sans limite. Mais une affliction truffée d’éclairs : Sven « porte sur lui la dignité de celui qui est du bon côté de l’Histoire ». D’épiphanies : « Les images pornographiques ont remplacé la littérature. » De poésie : « Il faut conserver son image comme on conserve précieusement, à l’abri de la lumière, les choses fragiles et éphémères. » Et d’échos à Genet – dont la devise figure en exergue : « Il faut d’abord être coupable. » Il faut surtout un vif talent pour convertir le malaise en suspense, pour tirer de ce cas (très) particulier un universel du désespoir amoureux. Et pour injecter dans cette descente aux enfers des pépites de tendresse : dignes du cinéma de Guy Gilles, face au fétiche endormi sur un canapé, ou lors d’un voyage improvisé sur l’île de Groix, se brodent en nacre et or les peintures sublimes d’un visage, d’un sexe, d’une gestuelle. Alors, telle l’éclaircie sous le nuage, le malaise se dissipe, le fantasme devient garçon vivant, et l’on s’aperçoit qu’on tient entre ses mains le premier chef-d’œuvre d’un écrivain avec qui il faudra désormais compter. Peu de livres laissent un stigmate inoubliable.
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