Pourquoi le patriarcat ? 

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Plutôt que de poser la question un brin stérile de l’origine du patriarcat, la philosophe Carol Gilligan (qui a forgé la notion de care) et la psychologue Naomi Snider préfèrent s’interroger sur les raisons de sa permanence. Le patriarcat, cette structure qui organise la société de façon à privilégier l’intérêt des hommes plutôt que celui des femmes, a de nombreux désavantages : pour les femmes, évidemment, mais aussi pour les hommes, qui ne se reconnaissent pas toujours dans le type de masculinité qu’il promeut. Alors pourquoi, si personne ne s’y retrouve, le patriarcat subsiste-t-il ? Gilligan et Snider vont voir du côté de la psychologie pour avancer une thèse audacieuse. Nous faisons tous, souvent assez jeunes, l’expérience de la perte. Pour nous protéger de la détresse qui s’ensuit, nous avons le réflexe de prévenir un nouvel attachement. Le patriarcat propose justement des modèles de détachement de soi : les petits garçons apprennent très tôt à refouler leurs émotions et à se montrer insensibles, la maturité se confondant avec l’indépendance, voire l’indifférence, vis-à-vis des autres. Les petites filles, elles, sont encouragées à taire leur propre voix pour se dévouer entièrement aux autres. Sous la forme d’un dialogue illustré par de nombreux exemples et témoignages d’étudiants, Gilligan et Snider montrent que le patriarcat tire sa force du remède qu’il propose aux hommes et aux femmes face à la perte. Au prix, toutefois, d’un renoncement délétère à être soi.

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