Manifeste incertain, t. 7

Une recension de Alexandre Lacroix, publié le

Depuis quel lieu écrit-on de la poésie ? S’agit-il d’un état psychologique ou d’un espace métaphysique ? Telle est la question qu’explore Frédéric Pajak dans son Manifeste incertain 7, consacré aux poétesses Emily Dickinson (1830-1886) et Marina Tsvetaieva (1892-1941). « Marina ne peut que m’échapper », reconnaît Pajak, quant à Emily Dickinson, « elle m’échappe encore plus ». Pourquoi Emily s’est-elle retirée dans sa propriété des Evergreens, dans le Massachusetts, alors qu’elle jugeait « déserts, et nus et désolés… la plupart des champs qu’on trouve ici » ? Elle y a passé le plus clair de son temps à écrire en réclusion volontaire. Après tant d’années d’efforts, comment se fait-il qu’elle ait demandé à sa sœur, au moment de mourir, de détruire ses 1 789 poèmes (ordre non exécuté) ? L’écriture était-elle à ce point pour elle un « jardin secret » qu’elle préférait le brûler plutôt que d’y recevoir quiconque ? Après Emily, Marina : Pajak a voyagé sur ses traces à Moscou, à Kazan, à Koktebel à travers le « paysage horizontal » de la Russie. C’est comme si ces perspectives trop larges avaient pour effet une dureté de cœur inouïe chez Marina. Elle abandonne ses deux filles dans un orphelinat. L’une des deux fillettes, 8 ans, l’appelle au secours en 1920 : « Venez ! Je me sens vraiment horriblement mal ! Il n’y a pas de crochet, ici, sinon je me serais pendue depuis longtemps. » L’autre meurt et Marina commente : « Pauvre enfant ! Que je suis heureuse de ne pas l’avoir aimée ! » Monstre ? Énigme psychologique en tout cas, Marina est résolument ailleurs : « Chaque vers est le fruit d’une collaboration avec les “forces supérieures”, et c’est déjà beaucoup que de dire que le poète est un secrétaire. Avez-vous pensé à ce que le mot “secrétaire” a de superbe ? Le secret. »

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