L’Imprévu
Une recension de Clara Degiovanni, publié leAgenda électronique connecté, to-do list griffonnée sur un bout de papier, week planner, etc., les techniques de planification du quotidien n’ont jamais eu autant la cote. Comme le remarque Alexis Lavis, le phénomène banal de l’imprévu est tellement traqué qu’il finit par relever du « défaut », de la « faillite », voire de « la faute ». Derrière la fausse neutralité du mot « imprévu » se cache en effet une forme de condamnation. L’imprévu, même s’il n’est pas dramatique, est donc souvent annoncé comme « regrettable » : il est l’événement venu se placer sur ma route, contrariant mes projets, quand ce n’est pas le cours entier de mon existence.
Si l’imprévu nous contrarie autant, c’est parce qu’il risque de déclencher deux autres phénomènes : l’« emballement », quand tout s’enchaîne, et l’« effondrement », quand tout s’écroule. Dans les deux cas, nos repères les plus solides volent en éclats, comme a pu le montrer cette pandémie. Dès lors, difficile de blâmer ceux qui essaient de conjurer cet « émissaire du malheur », à coups de tableaux Excel et de programmations sur le long terme.
Mais est-ce la bonne méthode à adopter ? Spécialiste de la pensée chinoise et enseignant à l’université Renmin de Pékin, Alexis Lavis puise dans la tradition confucéenne et taoïste pour montrer que la « posture de planificateur » est loin d’être la seule voie possible, ni la plus efficace. « Ceux qui veulent prendre le contrôle des choses et agir sur elles échoueront », annonce ainsi Laozi au Ve siècle av. J.-C. Ce n’est pas en prévoyant plus qu’on réussit à conjurer l’imprévu. Le Dào, que l’auteur traduit par « pensée du cheminement », nous invite donc à renoncer à cette volonté de contrôler le cours de choses. Que faire dans ce cas ? Tenter de laisser faire. Cette option proche de la philosophie de Merleau-Ponty passe par une posture corporelle plus qu’intellectuelle, que l’auteur appelle « la sise » et qui est une certaine manière de se tenir sur ses appuis tout en étant ouvert au monde. Chez un cavalier, la « sise » est ainsi la bonne « assiette » : l’art d’être stable et souple, d’accompagner le cheval sans le contrôler et léger face aux imprévus. Au lieu de céder à (l’irritant) « lâcher prise » : tentez donc plutôt de trouver votre sise !
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