Leurre et malheur du transhumanisme
Une recension de Charles Perragin, publié leSi le trans- et le posthumanisme passionnent autant les philosophes, c’est peut-être parce que leur emprise est surtout une emprise « narrative ». Deux d’entre eux, Mark Hunyadi et Olivier Rey, s’accordent sur le constat : la prospective scientifique s’est muée en récit collectif de l’hypermodernité. Pour le premier cependant, cette idéologie est « un symptôme privilégié de notre temps », tandis que, pour le second, elle est « l’aboutissement d’une logique de pensée à l’œuvre depuis plusieurs siècles » en Occident.
Hunyadi, dont le travail éthique est aiguisé par la critique sociale, montre comment la rhétorique posthumaniste fleurit aisément dans le terreau du consumérisme libéral. Dépolitisé, le corps humain est devenu un objet marchand, améliorable selon les critères du « type entrepreneurial » valorisant l’homme affairé et performant (mémoire, attention, acuité sensorielle). En rupture avec les idéaux démocratiques, l’éthique politique n’est plus qu’une « onction morale » qui ne se préoccupe que des petits droits individuels, de protection de la vie privée et de sécurité, rendant tangible la crainte d’une « tyrannie technologique ».
Pour Rey, au contraire, le transhumanisme ne constitue pas une rupture dans la course au progrès. Depuis les sagesses grecques antiques jusqu’à la biologie de synthèse, en passant par la théologie franciscaine du Moyen Âge et Newton, la pensée occidentale s’est attachée à scénariser des mondes meilleurs dans des paradigmes froids, maîtrisés, mathématiques. En deux millénaires, l’homme a mis ainsi à distance le cosmos, la nature, le vivant et enfin son propre corps, dépouillant peu à peu ces choses de toutes fins propres et ne les voyant qu’à travers ce que l’on peut en faire. En résulte un « dualisme exacerbé », où la volonté savante façonne la nature aussi bien que le corps humain lui-même devenu un « animal monitoré ». Au lieu de se bercer de techno-promesses, réjouissantes ou anxiogènes, Olivier Rey intime enfin au lecteur de renouer avec son environnement et lui-même, pour défendre, contre « l’individualisme rivalitaire », une existence collective possible.
Le Prix Bristol des Lumières récompense ce mardi 20 janvier 2015 l'essai d'Olivier Rey: “Une question de taille”.
Constatant qu’il a été catalogué à droite, Olivier Rey, auteur notamment de L’Idolâtrie de la vie (Gallimard, 2020), affirme que le…
Le clivage gauche-droite est-il encore pertinent pour s’orienter dans la politique contemporaine ? Alors que les sondages font état d’un basculement…
Dans son dernier ouvrage Réparer l’eau (Stock), le philosophe Olivier Rey poursuit sa critique de la place de la science dans notre société qui…
L’eau. C’est l’élément que nous utilisons le plus au quotidien, sans y prêter grande attention. Comment la définir, sans céder à la facilité de cette…
Après avoir longtemps ignoré les limites de notre modèle de croissance, les élites prônent dorénavant un retour à la sobriété. Pour le philosophe…
Après avoir longtemps ignoré les limites de notre modèle de croissance, les élites prônent dorénavant un retour à la sobriété. Pour le philosophe et…
Qui suis-je ? À cette question, Pascal répond : personne. Mon corps, mes talents, ma situation sociale résultent de “ qualités empruntées” que je…