L'Éducation du prince chrétien: [ou l'art de gouverner]

Une recension de Charles Perragin, publié le

En 1516, Érasme a 50 ans. Ce théologien hollandais est déjà très connu, notamment grâce à son Éloge de la folie. À l’occasion de funérailles à Bruxelles, Charles de Gand, futur empereur Charles Quint, rencontre l’érudit et tente de l’emmener avec lui en Espagne pour en faire son précepteur. Mais Érasme refuse, craignant l’Inquisition depuis sa traduction du Nouveau Testament, très controversée au sein de l’Église. Il rédigera néanmoins ce court traité, à l’attention de celui qui deviendra trois ans plus tard le plus grand souverain européen depuis Charlemagne. Best-seller du vivant de l’auteur – jusqu’à ce qu’il soit mis à l’Index par le concile de Trente –, ce livre inaugure l’ère de la critique politique et rompt avec les sermons timorés de l’époque. En convoquant la pensée de philosophes antiques, tels Isocrate ou Platon, Érasme dénonce les malheurs de la guerre glorifiée par l’éthique aristocratique médiévale : préférer la concession au carnage, choisir le conservatisme tant que possible et « supporter l’injure plutôt que d’en tirer vengeance ». Dans ce texte, traduit pour la seconde fois en cinq siècles (!), au gré de comparaisons foisonnantes avec la vie de couple ou le comportement des abeilles, Érasme fait de l’exercice du pouvoir une ascèse au service des intérêts de l’État. Il ravive la vertu dans son sens scolastique : justice, prudence et tempérance. Il décrit le prince comme un médecin exemplaire à l’époque où un autre auteur, Machiavel, vante dans la chancellerie florentine la vertu du stratège pour acquérir et conserver le pouvoir.

Sur le même sujet



Article
2 min
Nicolas Tenaillon

Le plus célèbre des humanistes de la Renaissance trouva dans la douceur de ce lieu verdoyant une nouvelle jeunesse qui lui permit de défendre ses convictions pacifistes dans l’Europe déchirée par les conflits religieux.



Article
9 min
Cédric Enjalbert

« Je ne concède rien. » La devise du prince des humanistes dessine la silhouette de ce contempteur des fronts bas, contemporain de Machiavel et de Rabelais. Parangon du renouveau de la culture, raillant les idéologues, il ne se rallie à…


Bac philo
6 min
Nicolas Tenaillon

Analyse des termes du sujet « Y a-t-il » Existe-t-il ? Peut-on le constater ? « Plaisir » Un état affectif agréable qui satisfait un désir. « Gouverner » Décider des affaires de la Cité, diriger un État, régir.  


Entretien
16 min
Cédric Enjalbert

S’intéressant à des sujets concrets, tant esthétiques et architecturaux qu’écologiques et politiques, la philosophe, figure de proue du courant…

Joëlle Zask : “Gouverner n’est pas gérer”