Le Silence
Une recension de Philippe Garnier, publié leChaos digital
La panne informatique est totale. Six personnages en mal d’écran réapprennent l’expérience d’une parole oubliée, libérée des fils de la technologie.
Qu’est-ce qui, dans le fonctionnement paisible et quotidien des machines, nous menace ? Quelle est cette catastrophe que leur doux bruit de fond ne cesse de nous annoncer ? Depuis Americana et White Noise, ses premiers romans publiés il y a près d’un demi-siècle, ces questions ne cessent d’affleurer dans l’œuvre de Don DeLillo. Elles en font le prophète discret d’une apocalypse immanente à nos vies réputées normales.
En 2022, le soir du Super Bowl, finale annuelle du football américain, un événement se produit dont nous ne connaîtrons pas la cause ni l’ampleur. Tous les personnages du roman – deux dans un vol Paris-New York, quatre devant la télévision dans un appartement new-yorkais – en subissent les effets. Les flux numériques s’interrompent. Plus rien ne s’affiche sur les écrans. La beauté de ce court roman tient à ce que l’événement est présenté sans contexte ni profondeur de champ. Il tient dans l’épaisseur d’un écran à plasma. Comme naguère dans les romans de Nathalie Sarraute, les personnages n’existent que par ce qu’ils disent. Leurs tics verbaux, leurs obsessions, leurs tropismes langagiers remplacent la description psychologique. Comment ce néant numérique affecte-t-il le cerveau parlant ? Que trouvons-nous encore à raconter lorsque les ordinateurs n’occupent plus notre champ sensoriel ?
Dans un commentaire tantôt prolixe, tantôt laconique, qui s’achemine vers de brefs chapitres monologués, Tessa, poétesse, Max, contrôleur de bâtiments, sa femme Diane, professeure de physique, et Martin, son ex-élève, accompagnent de leur voix cette soudaine disparition de l’horizon numérique. Faute d’information globale, chacun en est réduit aux conjectures, au ressassement, et confronté à un vide intérieur béant. Ce que Le Silence met en scène, c’est une sorte d’épochè phénoménologique – un retour aux choses en chassant les abstractions qui les masquent – mais inopinée, anxieuse et sans méthode. Sur fond de chaos réel ou supposé, chacun s’accroche à ce qu’il croit être le plus réel, dehors ou au fond de soi. « Se concentrer sur les choses physiques les plus simples, se dit Tessa. Toucher sentir mordre, mâcher. Le corps n’en fait qu’à sa tête. » Les humains supportent-ils de s’appartenir enfin ? Faut-il une catastrophe pour le leur enseigner ? Dans ce roman laconique et intense, DeLillo ramène chacun à la source de ses paroles et de sa pensée.
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