Le Sentiment de Soi. Histoire de la Perception du Corps
Une recension de Philippe Garnier, publié leÉCouter le langage de son corps », « Notre corps révèle nos secrets » : Descartes et ses contemporains n’auraient sans doute rien compris au langage des magazines de santé et de bien-être. Le passage d’un « je pense donc je suis » à un « je sens donc je suis » resterait pour eux impensable. Plus opaque encore leur serait notre idée actuelle de l’esprit qui ne règne pas sur le corps mais se constitue à travers lui. Ce livre raconte l’éclosion de ce « sentiment d’exister » qui, au-delà du cogito cartésien, fait place à la vie sensorielle, émotive et nerveuse.
Cette lente émergence du corps dans la conscience de soi, Georges Vigarello la décrit en historien plutôt qu’en philosophe. À travers la littérature, la médecine et les journaux intimes, il explore quatre siècles de perceptions intérieures, de jouissance et de douleur, d’euphorie, de trouble et de malaise. Ce nuage d’émotions gravite autour d’un centre : le « soi » qui devient un objet pour lui-même à mesure qu’il prend chair. Les sources philosophiques sont ici traitées en tant qu’archives et s’inscrivent dans une vaste enquête où défilent hygiénistes, écrivains, psychiatres, sportifs et femmes du monde. Une telle approche gagne en contexte ce qu’elle perd en concept. La découverte de l’électricité apparaît contemporaine de celle du système nerveux, et Jean-Jacques Rousseau de la première occurrence du mot « hypocondrie ».
« L’épreuve de soi devient indissociable du sentiment intérieur du corps : ce “sixième sens” que Diderot croit déceler. »
Longtemps, l’intériorité s’est donnée comme une épure. Livrée à l’examen du confesseur, forgée par les aléas de la vie militaire et marchande, elle ne devient que lentement objet de connaissance. Lorsque Montaigne écrit : « je peins principalement mes cognitions », il s’agit d’abord d’une expérience de la pensée. Et c’est après avoir étudié la mécanique et les tourbillons que Descartes, fort de ses outils intellectuels et scientifiques, se tourne vers la description de l’âme. Tout se renverse avec l’âge des Lumières : la connaissance procède des sensations au lieu de procéder de la pensée. Rousseau écrit : « je sentis avant de penser », et d’Alembert : « je suis un peloton de points sensibles ». Quant à Diderot, il donne pour la première fois au mot « soi » le poids du substantif. Dans Le Rêve de d’Alembert, il explore les illusions corporelles venues du songe, pure sensation physique déliée du monde réel. L’épreuve de soi devient indissociable du sentiment intérieur du corps : ce « sixième sens » que Diderot croit déceler.
Dès lors, un nouvel espace est ouvert, intime et illimité. Au fil du XIXe siècle, dans la pratique médicale mais aussi dans l’écriture du journal intime, le corps devient cette mémoire enfouie, ce « sage inconnu », cette source inépuisable d’informations. À travers l’hystérie, Charcot entrevoit un moi confronté à une intelligence physique diffuse, qui se dérobe et s’impose à lui de façon fulgurante. Freud propose, lui, de déchiffrer les hystéries comme des hiéroglyphes. Vivre, c’est se mettre à l’écoute de cette entité charnière du corps et de l’âme que l’on nomme désormais l’inconscient. La vraie vie, parfois la plus troublante, se trouve définitivement au dedans de soi. Et la conscience corporelle devient l’espace d’une exploration infinie.
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