Le moi et la chair : Introduction à l'ego-analyse
Une recension de Juliette Cerf, publié leVous critiquez les philosophes « égicides », ceux qui ont mis à mort l’ego. Pourquoi ?
Jacob Rogozinski : Comme toute ma génération, j’ai été nourri par les œuvres de Lacan, Levinas, Deleuze, Foucault, Derrida. Tous ces penseurs ont pratiqué ce que j’appelle l’égicide : ils ont considéré que le moi était une illusion, ou critiqué le narcissisme de l’ego. Ce sont des penseurs que j’admire et ils avaient raison d’affirmer que la philosophie est « inséparable d’une colère contre l’époque », de refuser de tomber dans l’apologie de ce qui est. Mais leur radicalisme les a menés à une impasse. Il est temps, selon moi, de revenir à Descartes : il y a dans le moi une vérité irréductible qui résiste à toute déconstruction. Ce « moi vrai » est un moi-chair, un moi incarné qui se définit par son auto-donation : je me donne de moi-même à moi-même sans avoir besoin d’aucun autre pour être moi. Mais l’ego est d’abord dispersé, fragmentaire, « clignotant » et il s’agit de comprendre comment il peut s’unifier, s’identifier à soi, se donner un corps, aller vers les autres. Car je ne peux rencontrer l’autre en vérité que si je me suis déjà affirmé moi-même.
En quoi l’ego que vous analysez se distingue-t-il du « Je » contemporain, individualiste et narcissique ?
L’ego-analyse que je propose n’est ni une rechute dans une métaphysique du sujet souverain, ni une apologie de l’individualisme libéral. Le moi vrai n’a rien à voir avec l’individu narcissique qui est un moi aliéné – un moi qui s’est identifié à des figures de l’autre, captif des images du spectacle, défiguré par ses identifications aliénantes. Il s’agit de découvrir la vérité singulière de l’ego, qui est le chemin de sa délivrance. Je tiens beaucoup à cette recherche d’une délivrance, qui est au cœur de la philosophie – chez Platon, chez Spinoza…
Avez-vous l’intention d’étendre cette ego-analyse à d’autres domaines ?
Oui. Je retiens le mot d’ordre de Husserl : aller aux choses mêmes. La philosophie doit sortir de son enlisement dans le commentaire universitaire pour se tourner vers les questions essentielles de l’existence. J’en aborde plusieurs dans mon livre : le rapport à l’autre, l’amour, la haine, la persécution, la mort, la possibilité de la résurrection. Je cherche des développements concrets de l’ego-analyse. Je m’intéresse beaucoup aux phases de crise, quand défaillent les synthèses du moi-chair. J’ai l’intention de travailler avec des psychiatres et des psychanalystes sur l’image du corps dans les psychoses. Je prépare, dans cette perspective, un livre sur Antonin Artaud. Je veux aussi aborder le champ de la philosophie politique, car il est possible de penser la communauté comme un quasi-corps qui sécrète un résidu, un « restant ». Le premier colloque que nous avons organisé au Parlement des philosophes portait d’ailleurs sur la question de l’exclusion démocratique.
Concevant l’être comme devenir et le désir comme invention, le philosophe français s’érige contre tout ce qui empêche le surgissement de la…
C’est peut-être le passage le plus délicat, mais aussi le plus important, de votre copie de bac : l’introduction. À la fois parce que c’est…
C’est peut-être le passage le plus délicat, mais aussi le plus important, de votre copie de baccalauréat : l’introduction. C’est celui que le correcteur…
Éleveurs, abatteurs, bouchers… Ils participent à la transformation de l’animal en viande et expliquent ici comment ils vivent ce processus, qui…
La philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury inaugure une chaire de philosophie à l’Hôtel-Dieu (Paris), accessible à tous les publics, afin de…
Dans “Taj Mahal”, le réalisateur Nicolas Saada suit de près une jeune femme prise au piège par des terroristes. Il interroge dans ce “film…
Le Collège de France à Paris inaugure le 2 avril 2015 une chaire consacrée à l’histoire du Coran.