Le conflit des facultés. Et autres textes sur la Révolution

Une recension de Antoine Rogé, publié le

Le Conflit des facultés a longtemps tenu la place du mal aimé dans le corpus kantien. Il figure en effet parmi les derniers ouvrages d’un Kant sur le déclin et souffre d’un manque d’unité apparente en passant d’une critique du sectarisme religieux à des considérations de diététique et à une interrogation sur le sens de l’histoire. Christian Ferrié, avec cette nouvelle traduction et édition, entreprend au contraire de le réhabiliter comme le « testament politique » d’un auteur ayant écrit sur tout sauf sur la chose publique. L’ouvrage serait donc comme la pierre manquante de l’édifice kantien. Sa démon­stration, qui s’appuie sur un riche corpus de manuscrits préparatoires et autres textes inédits en français, nous fait découvrir un Kant soucieux de faire valoir en tout domaine (théologique, juridique, médical…) les droits de la raison à critiquer les dogmes que le pouvoir diffuse dans la société par le moyen de ses « facultés », c’est-à-dire grâce aux universités qu’il contrôle – sans possibilité de contestation. Mais à travers cet éloge d’une libre République des lettres apparaît aussi en filigrane – pour contourner la censure – une défense de la République tout court. Ainsi, en dépit de sa portée politique évidente, le célèbre passage de la seconde section, dans lequel Kant interprète l’enthousiasme général soulevé par la Révolution française comme le signe que la loi morale progresse continûment dans les cœurs, ne représente qu’une partie de la charge subversive parcourant tout l’ouvrage.

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