La Force de la non-violence

Une recension de Antony Chanthanakone, publié le

Un exemple parmi tant d’autres exposés ici par Judith Butler : que fallait-il faire après l’assassinat de George Floyd en 2020 ? Opposer à la violence systémique une contre-violence, comme y invitaient certains ? Être ou ne pas être violent en retour d’une oppression, telle est la question… Prenant à contre-pied son propre camp, la philosophe, référence des mouvements de défense des minorités, prône une autre voie. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas de défendre une forme de passivité ou de pacifisme mou. Au contraire, à la manière de Gandhi, dont le concept de « non-violence » (satyagraha) devrait être plutôt traduit par « force d’âme », elle plaide pour la puissance de la non-violence. Et cela, ni au nom de son efficacité à faire triompher une lutte, ni au nom de la con­science morale individuelle. La non-violence est une « ruse » en cela qu’elle est le moyen d’une reconnaissance de la vulnérabilité humaine (elle prolonge ainsi les théories du care) et de la nécessité de réparer les liens sociaux entre les vivants. Selon Butler, « les “liens” indispensables à la vie sociale […] sont mis en péril par la violence ». Or « la non-violence est moins un échec de l’action qu’une affirmation physique des exigences de la vie […] par la parole, le geste et l’action, à travers des réseaux, des campements et des rassemblements qui tous essaient de redéfinir les êtres vivants comme dignes de valeur ». Dans cet essai stimulant et actuel (songeons aux migrants, aux féminicides ou à la violence policière), la philosophe invite à se méfier des critiques usées de la non-violence et appelle à refaire société autrement ! 

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