La cause des animaux

Une recension de Antoine Rogé, publié le

Héritiers d’une longue histoire de mammifères carnassiers, nous continuons de penser le monde animal au prisme de catégories archaïques, structurées par l‘opposition entre les animaux dits « exploitables » (et en particulier comestibles) et ceux qui, ne l’étant pas, sont donc considérés comme « nuisibles ». Cette étrange inertie des consciences, la philosophe Florence Burgat tente d’en sonder le mystère dans un petit ouvrage dédié à La cause des animaux. Alors même que nous sommes aujourd’hui plus libres de nos menus que jamais, et que nos sociétés d’abondance nous dispensent de sacrifier des animaux en vue d’en tirer nourriture et vêtements, quels sont donc les instincts qui nous conduisent à consentir à l’ « incarcération » et au « meurtre de masse » d’espèces vivantes ? Quoi qu’en ait pu dire longtemps la loi française, ne s’agit-il pas là d’individus sensibles et souffrants, et en cela, ne faut-il pas les reconnaître comme nos semblables, sachant par ailleurs que les espèces tuées sont souvent très proches de nous génétiquement ?

La froide indifférence qui prévaut aujourd’hui semble difficilement explicable par la seule efficacité des campagnes publicitaires employées par l’industrie agro-alimentaire. Cette question anthropologique complexe, que Florence Burgat ne prétend pas épuiser dans le cadre de ce petit ouvrage, est surtout le prétexte d’une interpellation éthique qui fait mouche : aucune raison philosophique ne justifie que nous exercions contre les animaux une violence que nous condamnerions fermement si elle concernait des êtres humains. Ainsi sont brièvement examinés et réfutés les fragiles arguments qu’emploient les partisans de la traite des bêtes (que ceux-ci invoquent les besoins nutritionnels de l’homme ou les nécessités de la recherche médicale). Au-delà de sa portée de manifeste, l’ouvrage peut donc aussi être lu comme une première introduction à une question éthique majeure de notre temps.

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