Identités. La bombe à retardement

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Jean-Claude Kaufmann est un homme en paix avec son époque. Avec sa moustache de sapeur et son sourire au coin de l’œil, on le voit, bonhomme, fouiller les sacs des dames ou leur imaginaire du prince charmant. Il aime savoir qui, dans le couple, s’occupe du linge sale et comment les hommes regardent les fesses des femmes. Cette frivolité apparente fait oublier qu’il est aussi un sociologue innovant, l’un des premiers à avoir théorisé l’identité comme « invention de soi » de l’individu moderne, avec la part d’imaginaire et de croyance qu’elle requiert. Oui, croyance. Et là, Jean-Claude Kaufmann, dans un petit livre dense et pas du tout souriant (Identités. La bombe à retardement, Textuel, 8 €), enfonce le clou : c’est bien à un dangereux dérapage de croyances que l’on assiste lorsque l’obsession identitaire, de toutes parts, sclérose le débat politique et fait progresser ce qu’il appelle le « national-racisme ». En une soixantaine de pages, il parvient à redresser les idées fausses et à retracer l’histoire de l’identité, cette notion si « agaçante » pour un scientifique, apparue au cœur de cette modernité occidentale qu’elle pourrait faire exploser. La réprobation ou les accents de Cassandre ne sont pas le genre du prétendu frivole. Raison de plus pour l’entendre quand il s’alarme.

Sur le même sujet
Article
2 min
Martin Duru

« Aujourd’hui, l’individu est pluriel, multifacette. Dans les différents contextes de sa vie (professionnelle ou affective), il ne cesse d’endosser des rôles qui ne se recouvrent pas toujours. Les possibilités et les espaces de l’invention de soi se…


Article
3 min
Martin Duru

Le sociologue Loïc Wacquant décode la filiation de Pierre Bourdieu avec le philosophe.



Le fil
1 min
Jean-Marie Durand

Connaissez-vous Paul Audi ? Voici un philosophe exigeant et singulier, qui cherche à comprendre ce qui ne va pas chez lui dans Troublante Identité,…

L’identité ? Quelle identité ?

Article
9 min
Frédéric Gros

Le traité de La Boétie violemment nous appelle, nous provoque, nous convoque à repenser l’«énigme du politique», ce secret par lequel nous acceptons d’obéir.