Habiter
Une recension de Catherine Portevin, publié le« Celui que personne n’a pris dans ses bras n’a jamais habité. » Des bras humains, ou mieux un ventre de mère : voici, pour Michel Serres, l’habitat primordial, le Paradis. De la naissance à la mort, nous sommes donc errants, habitants délogés, expulsés de l’Éden, « vifs » agités, cherchant au-dehors des lieux où Hermès aux pieds ailés saurait demeurer.
L’Habiter selon Michel Serres bruit de tout ce qui l’habite, lui : la mer et le fleuve, le végétal, le mou plus que le dur, la campagne plus que la ville… Le fils de marinier de la Garonne, arraché tôt à son pays natal en perdant pour toujours « l’exquise habitude d’habiter », pense et vit en exilé. Sa réflexion intègre donc la dimension, essentielle aujourd’hui pour penser l’Habiter, de la mobilité, du précaire, de la circulation, des espaces multiples, voire de l’ubiquité virtuelle.
Il habite le monde des nomades plus que des sédentaires, des pasteurs plus que des laboureurs. Les premiers suivent le cours du temps et de l’eau ; les seconds s’ancrent en terre. Comme le disent tous les poètes en exil, son lieu est sa langue, « j’habite ma langue ». C’est donc autant le poète que le philosophe qu’il faut lire, suivre, écouter, regarder (l’iconographie déroulant la seconde voix de la fugue).
En pensant l’Habiter, les philosophes (Descartes, Kant, Heidegger surtout, tous « piétons de la forêt »), affirme Serres, ont oublié l’océan. Lui qui fut marin part de la mer et du vent. Une coquille de mollusque, le dur abritant le mou, c’est lui, c’est nous. Il dit aussi : « je suis un arbre ». Nous nous tenons debout, cherchant la lumière pour croître, même nos immeubles modernes à panneaux solaires redécouvrent l’énergie vitale de la photosynthèse. À une vision de l’Habiter comme fait culturel et « trait fondamental de la condition humaine » (Heidegger), il substitue une vision naturaliste, cosmique, où les règnes végétal et animal s’interpénètrent. Convoquant dieux, fables et mythes, mais aussi la science et les techniques, Michel Serres dessine ici l’Habiter moderne, c’est-à-dire primordial et flottant.
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