Gaspard de la nuit. Autobiographie de mon frère
Une recension de Catherine Portevin, publié leSans doute le silence est-il pour Élisabeth de Fontenay le gouffre fondateur au-dessus duquel sont tendues sa vie et sa pensée. La philosophe s’en est déjà expliquée. Il y eut le secret entretenu dans sa famille catholique sur la judéité de sa mère, le refus de celle-ci d’évoquer les siens disparus à Auschwitz ; il y eut, pour elle devenue philosophe, le retour au judaïsme, la fraternité intellectuelle avec Jankélévitch, Lyotard, Adorno, Derrida, tous penseurs de l’absence et de la vie mutilée ; il y eut enfin ce « silence des bêtes » qu’elle osa avec force méditer en entendant le silence des victimes de la barbarie nazie.
Au cœur de la vie d’Élisabeth de Fontenay se trouvait un autre « désespérant silence » qui l’a laissée pour toujours intranquille et inconsolée : celui de son frère, né quelques années après elle, handicapé mental, ne parlant qu’un « texte obscur », « exilé de la subjectivité et de la réciprocité ». Elle n’a jamais caché son existence, jamais non plus jusqu’ici raconté l’entrelacs de cette existence à la sienne. Ne voulant parler « ni à son sujet, ni à sa place ni en son nom », elle ne peut qu’écrire à la première personne « l’autobiographie de mon frère ». Elle a choisi de le nommer Gaspard, en partie à cause du Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand mis en musique par Maurice Ravel, mais peu importe. Aujourd’hui âgé de 80 ans, Gaspard est à la charge de sa sœur, il est, dit-elle, « un ailleurs inaccessible qui m’est échu », une vie dont il lui faut littéralement répondre.
Avec une dignité extrême, sans échappatoire sentimentale ni refuge dans l’érudition philosophique, en allant au bout de la nuit qu’elle peut toucher, Élisabeth de Fontenay récupère en courts chapitres les souvenirs, les sensations, le trouble de ses pensées, ne renonçant jamais à considérer son frère comme une personne. Et pourtant, révèle-t-elle, c’est bien le quasi-mutisme de Gaspard et sa « pauvreté d’esprit », qui sont à la source de son attention philosophique pour la souffrance et le mystère des animaux, tout en rejetant fermement les excès de l’animalisme : « c’est grâce à Descartes que j’ai sauvegardé l’humanité de Gaspard, et c’est grâce à Gaspard que j’ai dit absolument non à l’animal machine ».
Sauver Gaspard de la nuit : dans ce texte aussi solide que sensible se joue une rédemption, un partage du nom que l’aînée croyait avoir gardé pour elle seule. Gilbert-Jean de Fontenay est désormais inscrit « moins illisiblement dans la communauté des hommes ».
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