Elle, la mère
Une recension de Philippe Garnier, publié leLes silences de la mère
Quête de la figure maternelle, ce roman ressuscite les paroles d’une femme qui en était avare.
« Dans le sein maternel, écrit Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, l’enfant est injustifié, il n’est encore qu’une prolifération gratuite, un fait brut dont la contingence est symétrique de celle de la mort. » C’est entre ces deux pôles – l’aléatoire biologique de la naissance et la réappropriation du lien filial – que se déploie le texte d’Emmanuel Chaussade. D’un côté, la part subie et opaque de la filiation ; de l’autre, la recherche tâtonnante d’une connaissance et d’une reconnaissance, « la mère ». Composé de longs fragments de souvenirs, Elle, la mère chemine vers une impossible rencontre. La mère est morte, elle ne parlera plus. « À part une bouchée de terre, que peut-elle bien avaler maintenant. Il n’y a pas de pissenlits autour de sa tombe. Les couleuvres, elle les a avalées de son vivant. » Son fils parle d’elle et pour elle, comme s’il voulait rendre justice de ce silence imposé.
Plutôt que de dresser le portrait d’une mère disparue, ce livre plonge dans la part la plus intime, la plus inaccessible de la défunte : son tenace désir de vivre, de persister malgré les épreuves, les vexations et le manque d’amour. Le fils-narrateur tend ses filets, il ramène à la surface les lambeaux d’une existence silencieuse. Il évoque l’institution religieuse où sa mère fut élevée par charité et les abus sexuels qu’elle y a subis. Il peint d’une âpre couleur les années de l’après-guerre, les familles trop nombreuses, la mort omniprésente, les barrières de classes, la violence au sein du couple et le spectre de la folie. Mais il invoque aussi l’étrange pouvoir de sa mère « d’aimer sans réfléchir, tout de suite, jamais ou pour la vie ». La phrase syncopée d’Emmanuel Chaussade restitue l’opacité des consciences. Plus elle réveille la mémoire, mieux elle fuit la psychologie. Elle tente de capter au plus près la vibration d’une existence fugace et avare de paroles.
« On est toujours novice pour mourir », écrit le narrateur. Dans la mort, la banalité par excellence rejoint l’exception absolue. À mesure que la mère se recroqueville dans la vieillesse, sa présence ne cesse de grandir aux yeux du lecteur. C’est dans la grisaille d’une maison de retraite qu’elle exerce le mieux son pouvoir d’envoûtement. Réinventant la tradition poétique du « tombeau », Emmanuel Chaussade réveille les tourments d’une vie pour mieux accomplir le deuil.
La citation corrigée de François Morel.
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