Crimes et jardins
Une recension de Catherine Portevin, publié leDe livre en livre, le romancier argentin Pablo de Santis a fait de l’enquête criminelle « le dernier refuge de la philosophie », une quête de vérité dans les méandres des fuites de la raison, des croyances et des symboles. Et du détective, son narrateur, une figure du philosophe. Il a le prénom de Freud (Sigmundo) et un patronyme qui sauve (Salvatrio). De son père cordonnier, il a hérité une propension à regarder le monde au niveau des semelles et les pas des hommes « au moment où ils dévient ». Faire de la philosophie, ou résoudre le crime, devient alors une manière de labyrinthe : pour ne pas se perdre dans les vertiges du concept, il faut tenir ferme le fil.
« Un univers étrangement hors sol ou que le sol rend étrange »
« L’histoire de notre vie est l’histoire de nos peurs », affirme le narrateur de Crimes et Jardins. Le Buenos Aires de la fin du XIXe siècle, où se situe l’action, est une ville imprégnée de la culture, des utopies et de la révolution industrielle européennes, avec une élite secrètement décadente. D’où par exemple ce Club improbable qui se réunit au jardin et dont les membres sont assassinés les uns après les autres. Il y a là des personnages installés socialement mais frôlant un genre de déclassement : un homme d’affaires, un chasseur, un psychiatre, un antiquaire et un poète, que lie la passion de l’idée même de jardin. Ils se confrontent en discussions enfiévrées entre les partisans de l’Éden – le jardin d’avant la Chute comme nature originelle, sauvage et inviolée – et ceux de l’Atlantide, cette île engloutie à la société idéale inventée par Platon – le jardin comme cosmos maîtrisé, dessiné et ordonné par le génie humain. Le chasseur et le psychiatre, qui fréquentent le sauvage (animal ou psychique), sont édéniques ; les autres, qui croient à la maîtrise du monde (par les affaires, la collection d’objets ou la poésie), sont fascinés par l’Atlantide.
Par le regard incrédule de Salvatrio, Pablo de Santis nous égare dans un univers étrangement hors sol ou que le sol rend étrange. L’on croise une veuve qui cultive à mains nues des plantes rares et cruelles, un jardin pelé où s’écrasent les suicidés, des roses qui se nourrissent de charogne, une jeune folle qui se prend pour la princesse de l’Atlantide. Les jardiniers philosophes sont-ils morts pour leurs idées ? Le crime même est-il un geste philosophique ? Peut-être mais n’oublions pas que Sigmundo, lui, ne se fait pas d’illusions…
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