Consolation philosophique 

Une recension de Catherine Portevin, publié le

« Déraciner le besoin de consolation » : ce pourrait être la vocation que la philosophie s’est donnée. La douleur, la perte, le chagrin, la mort, il s’agit de s’en arracher, quitte à développer d’abruptes sagesses… qui sont tout sauf consolatrices. Dame Philosophie, qui visite Boèce éploré dans son cachot (dans sa célèbre Consolation de la philosophie, écrite au Ier siècle), le secoue : « L’heure est aux remèdes, non aux lamentations ! » lui enjoint-elle, souveraine. Et pourtant, souligne Vincent Delecroix, Dame Philosophie a certes les traits d’une déesse de la raison, mais ses bras sont décharnés et ses vêtements déchirés. La radieuse philosophie aurait-elle peu à offrir en réparation d’un monde en lambeaux ? Cette image illustre selon lui les ambivalences de la philosophie avec la consolation : en refusant – c’est sa noblesse – les illusions consolatrices des religions, du divertissement et autres paradis, n’est-ce pas l’expérience de la souffrance et du chagrin qu’elle tend à éviter ? L’essai est dense, avançant par spirale d’inspirations. Le philosophe-écrivain débusque « les héroïsmes de la raison » dans sa propre discipline et ses préjugés sur la faiblesse de l’âme en peine. Inspiré tant par Kierkegaard que par Adorno, et par de multiples références littéraires, il réhabilite le désir de consolation et la nécessité d’une « raison bancale » pour penser l’inconsolable.

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