Conservatisme
Une recension de Ariane Nicolas, publié leDeux ans après son plaidoyer De l’urgence d’être conservateur (paru chez L’Artilleur), Roger Scruton défend à nouveau le conservatisme, avec un essai plus pédagogique – mais non moins fervent. Le philosophe britannique retrace l’histoire de ce courant d’idées que la modernité a cru trop vite enterrer, à en juger par la faveur dont il jouit dans le débat public (résistances au mariage pour tous et aux lois bioéthiques, angoisses identitaires, technophobie, « retour à la terre », etc.).
Deux cents siècles d’idées en quelque deux cents pages : Scruton dessine avec clarté la généalogie des « conservateurs en chef ». S’appuyant sur la triade du XVIIIe siècle Edmund Burke-Joseph de Maistre-Johann Gottfried von Herder, il en explore les ramifications chez Henry David Thoreau, Adam Smith, G. W. F. Hegel, et même chez Simone Weil. Point commun entre ces penseurs hétéroclites ? Un besoin d’« enracinement » (Weil) qui se traduit par une méfiance envers les idéaux des Lumières et une conception pessimiste de la nature humaine. Pour cette famille de pensée, la communauté d’appartenance (héritée et non choisie) et la tradition garantissent la sécurité des humains. Sans elles, l’individu n’est qu’une coquille vide en proie au désarroi. Au XIXe siècle, le conservatisme s’oppose ainsi à tous les « ismes » florissants : matérialisme, sécularisme, utilitarisme, rationalisme… Le contexte évoluant, les conservateurs finissent par devenir des alliés objectifs des libéraux : tous combattent l’expansion de l’État moderne et le spectre du socialisme, qui chamboulent l’ordre social. Selon Scruton, la société obéit en effet au même mécanisme de « main invisible » décrit par Smith en économie. Pour assurer son bon fonctionnement, l’édifice doit rester intouché.
Le projet conservateur serait-il alors simplement réactionnaire ? L’auteur s’en défend, faisant sien l’adage de Burke : « réformer pour conserver ». Il peine pourtant à ouvrir des pistes de réflexion concrètes. Le projet actuel se bornerait à figer les droits sociétaux et à promouvoir les racines chrétiennes de l’Europe face à l’islamisme radical. C’est un peu court, d’autant que l’auteur se refuse à pratiquer un droit d’inventaire du conservatisme, à commencer par ses dérives nationalistes (où est Maurras ?) et sa défense de l’esclavage, qualifié de simple « faute morale ». Il manque enfin au texte la « valorisation de l’excentricité » dont Scruton fait la marque du style conservateur britannique et qui lui confère habituellement son charme. Devenir mainstream, n’est-ce pas, au fond, la principale menace qui guette ce courant ?
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