Condition de l’homme moderne

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

« “Ce que nous faisons” : tel est bien le thème central de cet ouvrage. […] Systématiquement, ce livre se borne donc à un essai sur le travail, l’œuvre et l’action » : le plan est simple mais l’ouvrage dense et ambitieux. Si le produit de l’activité humaine, notamment l’œuvre d’art, est un classique de la pensée philosophique, Arendt tente un pas de côté en faisant d’un certain type de travail (et non pas uniquement de la contemplation philosophique) une condition d’ancrage dans le monde plutôt qu’une malédiction. Elle s’intéresse donc à celui qui, en plus d’être un animal politique (Aristote) et pensant (Descartes), est aussi un « animal laborans », un « homo faber » qui fabrique son propre monde : « L’œuvre de nos mains, par opposition au travail de nos corps – l’homo faber qui fait, qui “ouvrage”, par opposition à l’animal laborans qui peine et “assimile” –, fabrique l’infinie variété des objets dont la somme constitue l’artifice humain. » Dans les dernières pages de son essai, Arendt tente toutefois de remettre l’action, notamment politique, au cœur de cette « condition de l’homme moderne » qu’elle définit pas à pas : c’est elle qui peut rompre l’isolement de l’homo faber. Si ce dernier fabrique des objets qui le lient aux autres, l’espace public ainsi créé ressemble davantage à un marché qu’à une agora. Bien qu’écrit dans un style limpide, l’ouvrage peut déconcerter. Dans sa préface, Paul Ricœur donne une clé : après Les Origines du totalitarisme (1951), « il faut lire La Condition de l’homme moderne comme le livre de la résistance et de la reconstruction ».

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