Cœur de chien
Une recension de Michel Eltchaninoff, publié leCe qu’il y a de bizarre, avec les grandes crises, c’est que même lorsque vous voulez penser à autre chose, vous y êtes ramené malgré vous. Tenez, par exemple, vous vous emparez, dans la maigre bibliothèque dont vous disposez ces temps-ci, d’un petit volume coincé entre un vieux manuel Lagarde et Michard et les Contes de la Bourgogne mystérieuse. C’est Cœur de chien, récit fantastique écrit au milieu des années 1920 par Mikhaïl Boulgakov, l’auteur maudit du Maître et Marguerite. Coincé en URSS après la guerre civile, l’écrivain dandy traverse la misère. Il voit les auteurs autour de lui devenir des idéologues et des fonctionnaires de l’art officiel. Quant à lui, il est censuré. Cœur de chien ne sera pas publié avant les années 1980. Il faut dire que Boulgakov est sans pitié. Il raconte l’histoire d’un chien errant, Bouboule, adopté par un éminent chirurgien qui lui implante une hypophyse et des testicules humains afin de mesurer leur effet sur le rajeunissement. Le chien se met à parler, à manger avec une fourchette, à s’habiller. Il se montre aussi d’une grossièreté sans limites, boit trop de vodka et manque de violer la bonne. Il finit même par devenir un militant du nouveau régime et dénonce le chirurgien pour propos antirévolutionnaires. Le savant est contraint de l’opérer de nouveau pour lui faire retrouver son animalité. Les frontières entre l’animalité et l’humanité sont fragiles et la science expérimentale, au service de la puissance, les brouille plus encore. Elle fait naître en laboratoire une créature inconnue, qui ne se comporte pas comme prévu et menace les humains. Ça ne vous rappelle rien ? Pourquoi, alors, lire Cœur de chien ? Parce que Boulgakov nous rappelle que notre folie de manipulation de la nature provoque presque toujours des dégâts imprévus. Et surtout parce que son récit nous fait respirer plus librement par sa drôlerie virevoltante, par sa joyeuse cruauté, par son insolence. Cette lecture ne nous a pas fait oublier la maladie. Elle a fait mieux : elle l’a vaincue par le rire.
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