Au bonheur des morts

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Chercher les bonnes questions à poser, tel est l’art de Vinciane Despret. Et de préférence à ceux qui ne peuvent pas répondre : parce qu’ils ne parlent pas (comme les animaux, qu’elle a longtemps étudiés en éthologue) ou parce qu’ils n’existent pas… du moins selon une ontologie sérieuse : les morts, par exemple, sont des non-êtres quand les vivants sont des êtres. C’est dans ces « brèches dans l’opposition entre être et non-être » qu’a enquêté la philosophe. Contre la vulgate psychologisante du « travail de deuil », qui consiste au fond, pour ceux qui restent, à se débarrasser de leurs défunts, elle observe au con­traire les modalités inventives par lesquelles, aujourd’hui, morts et vivants élaborent leurs relations. Ce sont tous ces signes que font les morts, les messages qu’ils adressent en rêve, la manière dont les vivants se laissent accompagner par eux, jusqu’aux séances de spiritisme. Avec une démarche scrupuleusement empirique, qui l’a menée, au fil des témoignages, d’un récit à un livre, d’une série TV à un polar, Vinciane Despret prend au sérieux ce que, ordinairement, on relègue au rayon de l’irrationnel ou des « croyances populaires ». Le résultat est étonnant, bienveillant… et fait vaciller bien des certitudes.

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