Après le changement climatique, penser l’histoire
Une recension de Martin Legros, publié leLa crise écologique n’est pas seulement une réalité scientifique accablante, c’est un bouleversement de notre expérience historique. Si l’on prend au sérieux la notion d’Anthropocène, qui fait de l’humanité un agent géologique capable d’influer sur le climat et la composition du vivant, c’est la définition même de l’histoire humaine qui est à revoir. Ce n’est peut-être pas pour rien que cette réflexion sur la réinvention du concept d’histoire nous vient du penseur indien Dipesh Chakrabarty, figure des études décoloniales et subalternes. Comme il le raconte dans ce nouvel essai, l’intuition lui est venue au début des années 2000, alors qu’il assistait à un incendie dévastateur en Australie. En s’informant sur le réchauffement climatique, il a peu à peu pris conscience de ses implications philosophiques inédites. Jusqu’ici, les événements géologiques n’avaient été qu’« une toile de fond immuable et constante de l’histoire humaine ». Car les échelles de temps de l’évolution du climat, des espèces ou des énergies fossiles (des millions d’années) étaient sans commune mesure avec l’échelle de temps propre à l’histoire humaine (années, décennies ou siècles). Dès lors que nous sommes devenus capables de changer la chimie de l’atmosphère, de faire monter le niveau de la mer ou de changer le climat, c’est comme si l’histoire anthropocentrée était « tombée » dans l’histoire profonde de la Terre et que les deux histoires étaient dorénavant imbriquées : « Nous pouvons dire que nous, les humains, vivons dorénavant simultanément dans deux sortes de “temps présent” : dans notre conscience de nous-mêmes, le “présent” de l’histoire humaine s’est entremêlé au “présent” long des échelles de temps géologiques et biologiques – ce qui ne s’était encore jamais produit dans l’histoire de l’humanité. » Mais rien n’est plus complexe à penser que cet emboîtement de l’histoire humaine dans celle, longue, du climat. Car loin de fusionner, comme si les temporalités se recoupaient et que les humains pouvaient maîtriser l’histoire naturelle comme ils ont cherché à le « faire » de leur propre histoire, c’est plutôt à une série de courts-circuits temporels que l’on assiste entre les temps biologique, géologique et politique. Mais aussi entre les agents de ces histoires enchevêtrées : ici, le capitalisme ou la technologie mondialisée ; là, le savoir des longues durées produit par la communauté scientifique ; ici encore, les décisions à brève échéance des instances politiques ; là enfin, les évolutions des grands cycles de la matière ou de la vie. Pour débroussailler cet enchevêtrement, Chakrabarty propose une distinction éclairante entre trois concepts. Le globe, c’est-à-dire le site de l’histoire anthropocentrée, relève de la logique des empires, du capital et de la technologie ; la planète, régie par des lois et des évolutions inhumaines, comparables à d’autres dans l’Univers ; et, entre les deux, la Terre et la vie à sa surface, dont nous dépendons et sur laquelle nous agissons alors que ses cycles nous dépassent. Revisitant les grandes philosophies de la Terre et du monde, de Heidegger, Schmitt, Husserl et Arendt à Latour et à Spivak, l’auteur invite à mesurer que notre nouvelle conscience historique fait de nous des tard-venus sur une planète où nous occupons la position « d’invités de passage plutôt que d’hôtes possessifs ».
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