Une jeunesse volée ?
Cours annulés puis à distance, soirées chez soi ou au bar du coin disparues… Pendant la pandémie, les jeunes se sont retrouvés privés du goût des autres et du monde, alors qu’ils sont à l’âge de toutes les découvertes. Ont-ils vieilli à ne pas vivre ? Leur faut-il désormais se lancer éperdument à la recherche du temps perdu ? Enquête.
« Dis, tu ne trouves pas que j’ai pris des rides ? » L’obsession a commencé au printemps 2021 encore sous couvre-feu. Ils et elles ont 25 ou 26 ans, se revoient pour la première fois « dans la vraie vie ». Avant/après le confinement, ils traquent sur leur visage les cernes, les joues creusées ou un arrondi empâté, les lèvres mincies, une ridule au coin de l’œil, un regard terni. « Des vraies têtes de vieux ! » en rient-ils avec un brin d’angoisse. « On a tous eu le même sentiment d’avoir vieilli prématurément, raconte Mariana, 26 ans. Je n’en suis pas à me précipiter sur les crèmes antirides, mais après plus d’un an de confinement, c’était la première fois de ma vie que je me rendais compte que le temps passait. Comme en accéléré, j’ai perdu d’un coup le visage de mes 18 ans. » Alors, ajoute-t-elle, « nous fantasmons tous que l’état civil reconnaisse que nous avons en réalité deux ans de moins, puisque nous n’avons pas pu les vivre selon notre âge. Je sais que c’est imaginaire, mais je ressens de façon tenace que la pandémie nous a volé deux ans de jeunesse ! »
Voilà exprimé ce paradoxe quasi quantique : être à la fois plus jeune et plus vieux que son âge, sentir que le temps a passé, alors que la vie était figée en hibernation. Bref, on vieillit à ne pas vivre. Ces décalages de l’expérience temporelle durant la pandémie, les jeunes les ont éprouvés avec une tension particulière à un âge où vivre, c’est expérimenter, rencontrer des gens nouveaux, faire des projets, se divertir, se dépenser. Bref, tout ce dont ils ont été privés par les confinements, tout sauf se fixer, tout sauf « rester seul et en repos dans une chambre », comme dirait Blaise Pascal. Évidemment, toute génération a tendance à penser son expérience historique comme incomparable, surtout dans la catastrophe, et l’on pourrait rappeler aux 20-30 ans des années 2020 que grandir dans les tranchées de 1914-1918 ou sous l’Occupation a dû être autrement plus traumatisant que quelques mois sans voir ses potes. Nous ne serions pas plus avancés pour comprendre comment la jeunesse d’aujourd’hui est anxieuse de sa jeunesse et quel brouillage des âges de la vie le Covid a provoqué.
La durée durement éprouvée
Si la maladie a majoritairement touché les plus de 50 ans, le Covid-19 n’a pas laissé indemnes les moins de 30. Un tiers d’entre eux a vu ses conditions économiques baisser (enquête OCDE, 2020), 50 % ont été inquiets pour leur santé mentale (enquête parlementaire de décembre 2020), et, en septembre 2021, le nombre d’actes et de pensées dépressives ou suicidaires chez les 18-24 ans était encore supérieur à celui des années précédentes. Au-delà de ces données préoccupantes, tous expriment le sentiment d’avoir traversé quelque chose qui « n’était pas de leur âge », d’autant plus que nombre d’entre eux pensent que leur génération a été sacrifiée au nom de la sécurité sanitaire par des mesures gouvernementales destinées à protéger les plus âgés et surtout l’économie (c’est ce qui ressort unanimement d’une enquête lancée auprès de la jeunesse européenne par cinq grands quotidiens français, allemand, espagnol, anglais et italien en juin 2021).
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