Intraduisible

Ūhtċearu

Octave Larmagnac-Matheron publié le 1 min

Langue d’origine : vieil anglais

Qui a fait l’expérience d’un deuil ou d’une séparation douloureuse le sait : ce sont souvent les matins qui sont les plus difficiles à gérer. Déferlant brutalement alors que la nuit l’avait écartée, la tristesse accable la conscience encore à moitié groggy, confuse, sans défense, du dormeur qui s’éveille. Le vieil anglais possède une expression spécifique pour désigner cette détresse toute particulière : ūhtċearu, littéralement « anxiété matinale » ou « souci de l’aube ». Le mot appartient à une langue lettrée et érudite. Il apparaît dans un poème anonyme de la seconde moitié du Xe siècle, The Wife’s Lament (« La Complainte de l’épouse ») : « J’éprouvais l’ūhtċearu, me demandant où dans le monde mon prince avait bien pu aller. » Pour la spécialiste de littérature anglo-saxonne Ruth Wehlau, le terme « indique une structure cyclique dans laquelle la tristesse se renouvelle à chaque aurore » (Darkness, Depression, and Descent in Anglo-Saxon England, 2019). La détresse de l’ūhtċearu refuse de passer. Car rien ne change malgré la nuit. La séparation demeure, identique à elle-même. Il nous faut chaque jour nous la rappeler après l’avoir éloignée dans le sommeil. L’ūhtċearu est, note Wehlau, un « mouvement-stase » : la même douleur revient sans cesse, mais c’est à travers ce retour continuel que nous pouvons lentement nous y familiariser, nous l’approprier.

Expresso : les parcours interactifs
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