Sous les signes de Krzysztof Kieślowski
Le Décalogue, œuvre hors norme qui interprète librement les dix commandements bibliques, ne médite pas sur les transgressions morales contemporaines, mais invite à se perdre dans toutes les bifurcations qu’emprunte la condition humaine.
1988. Tu ne tueras point, version longue de Décalogue 5, stupéfait le Festival de Cannes qui lui décerne le Prix du Jury. Nouveau venu à l’Ouest, son réalisateur n’est pourtant pas un jeune premier : à 46 ans, il est l’auteur en Pologne d’une trentaine de documentaires et de fictions. D’où cette légère hésitation à lui ouvrir, de ce côté-ci de l’Europe, grand les bras, malgré le succès. Sa maturité inquiète, comme dérangent ses échappées vers un cinéma de l’âme délaissant les utopies sociales et les combats d’ici-bas, aux cibles trop faciles, trop immédiates (le système, l’État, etc.). Au lieu de mettre en scène la gabegie des années Jaruzelski, Kieslowski filme des terrains vagues et des cages d’escalier qui pourraient être les nôtres, et les légende d’un mot sacré qui semble juger nos vies minuscules. « Décalogue » : dix commandements, dix transgressions contemporaines ? C’est oublier la liberté que prend le cinéaste avec la lettre biblique, ici héritage culturel plus que parole transcendante, à laquelle certains épisodes ne font référence que de très loin. Initialement, les dix films étaient d’ailleurs présentés sans titre, seulement des numéros. Enquêtes et non leçons, ils interrogent la possibilité même d’une parole catégorique sur la vie.
Que le cinéma de Kieslowski soit habité par une discrète nostalgie, par le sentiment de la perte d’une innocence (comme en témoigne la voix off au début de Décalogue 5 : « De plus en plus, il est difficile de trouver un sens. On manque de critères ou, pis encore, de valeurs »), n’en fait pas pour autant un cinéma de l’absence de Dieu – où chaque vide appellerait un plein. Dieu n’est que rarement le sujet du Décalogue, et les interrogations métaphysiques qui affleurent dans certains épisodes appartiennent d’abord aux discours des protagonistes, à leurs régimes personnels de croyance. Dans la pourtant très catholique Pologne, les éléments proprement religieux qui apparaissent à l’écran relèvent désormais du folklore, du cliché au sens strict du terme (par deux fois : une photographie de Jean-Paul ii). Même ce mystérieux homme blond qui d’épisode en épisode regarde avec désapprobation ou tristesse ce qui va se passer, ne saurait être le Dieu fait homme, impuissant face aux facéties humaines. Du Christ cinématographique, il lui manque la profondeur d’un visage. Ne reste qu’un regard scrutateur, qui semble être celui des images mêmes.
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