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Image tirée du film “Le Festin de Babette” (1987), réalisée par Gabriel Axel, avec, entre autres, Stéphane Audran, Bodil Kjer et Brigitte Federspiel. © Coll. Christophe L/Panorama Film A/S/AFP

Art de vivre

Six à table : un dîner (presque) parfait ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 25 octobre 2020 3 min

« Quand on reçoit à dîner, quand on fête un anniversaire, quand on mange au restaurant, c’est six maximum », affirmait Emmanuel Macron lors de son intervention du 13 octobre dernier. La règle était déjà en vigueur au Royaume-Uni avant d’être appliquée par les restaurateurs marseillais et parisiens depuis le 5 octobre afin de limiter la propagation du Covid-19. Elle s’étend désormais à la sphère privée mais aussi aux regroupements dans l’espace public. « C’est une règle morale, précise l’avocat Patrice Spinosi. Il n’y a en aucune façon une quelconque obligation réglementaire ou légale de respecter cette règle des six personnes à un domicile privé » : à moins d’une modification du droit pénal, il est impossible de d’imposer de telles mesures dans les lieux d’habitation. Certes, mais, pour beaucoup, soucieux de suivre la ligne de l’exécutif, cette injonction sonne la fin de la fête et des repas dominicaux en famille ou entre amis. Mais après tout, six à table, est-ce vraiment trop peu pour passer un bon brunch ou un déjeuner revigorant ? Au contraire, affirmait Emmanuel Kant : c’est un chiffre idéal ! 

« Manger seul est malsain pour un philosophe », affirmait Kant dans l’Anthropologie d’un point de vue pragmatique (1798). Dégusté en solitaire, le repas se réduit en effet à la « satisfaction corporelle », au plaisir des sens – du palais, des narines. Au contraire, en bonne compagnie, il est l’occasion d’un plaisir plus subtil : celui de la conversation. Fidèle à son précepte, le penseur de Königsberg s’efforçait d’ailleurs d’avoir toujours des convives au déjeuner.

  • Certes, mais combien faut-il inviter de gens pour un repas réussi ? « La bonne chère qui semble le mieux s’accorder avec l’humanité est un bon repas en bonne société (et, s’il est possible, alternative), société dont Chesterfield [Philip Dormer Stanhope] dit qu’elle ne doit être ni au-dessous du nombre des Grâces ni au-dessus de celui des Muses. » C’est-à-dire : plus que trois mais moins que neuf (en plus de l’hôte). Les nouvelles restrictions liées au Covid-19 n’auraient donc posé aucun problème à Kant, au contraire ! 
  • Pourquoi plus que trois ? « Pour ne pas laisser languir la conversation » : gare aux blancs lors des tête-à-tête ! Il ne faut pas, cependant, que les convives soient trop nombreux, au risque que chacun ne s’adonne à des « a parte avec le plus près voisin ». Et Kant d’ajouter : « Ce n’est pas alors une conversation de goût, laquelle doit toujours être telle qu’une seule personne s’entretienne avec toutes les autres. » 
  • Kant conseille, d’ailleurs, de bannir la musique lors des repas (« un non-sens du plus mauvais goût ») pour ne pas gêner les échanges ou distraire les amis réunis. Quant aux sujets de discussion, il préconise de ne pas passer sans cesse d’un thème à l’autre, d’éviter les sujets trop personnels, qui ne concerneraient pas tous les invités, et de privilégier des questions à propos desquelles chacun se sente à l’aise pour discourir. Pas très fun, direz-vous ? Kant n’est pourtant pas contre une bonne plaisanterie : « la conversation ne devant être qu’un jeu », l’humour permet d’éviter que l’échange se transforme en une lutte dans laquelle chacun veut avoir le dernier mot. 
  • L’art de la conversation est ainsi quelque chose de sérieux pour Kant : « Toute réunion de ce genre […] emporte une certaine sainteté et un devoir de se taire sur ce qui pourrait causer ailleurs du désagrément à un convive ; autrement c’en serait fait de la confiance, si profitable à la culture morale même, […] c’en serait fait de cette société qui doit être agréable à tous ses membres. » Le dîner est un espace de confiance mutuelle. Si quelqu’un y dit une vacherie sur un tiers, il m’est strictement interdit de la rapporter. 

Certes, les nouvelles restrictions imposées pour endiguer la propagation du Covid-19 vont obliger bon nombre d’entre nous à renoncer au plaisir des fêtes, des grandes tablées ou des sorties en boîte de nuit. Mais, plutôt que de nous complaire dans le regret, Kant nous invite à redécouvrir le bonheur de la conversation en petit comité.

Cette conversation avec Kant vous a mis en appétit ? Resservez-vous !
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