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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Nandhu Kumar/Pixabay

Le réflexe socratique

Se (ré)chauffer : un geste philosophique

Clara Degiovanni publié le 07 décembre 2022 5 min

Dis-moi comment tu te chauffes, je te dirai quel philosophe tu es ! De Schopenhauer à Tristan Garcia, cinq penseurs éclairent notre rapport à l’énergie… en particulier quand le mercure est en chute libre.

Gaston Bachelard et la récompense apaisante du feu de cheminée

De tous les systèmes calorifères, le chauffage à la cheminée est loin d’être le plus aisé. D’abord parce qu’il faut disposer d’une âtre, et ensuite aller chercher les bûches dans un entrepôt glacial, les porter puis les faire flamber d’une manière efficace et sûre. Et quand le foyer se meurt, l’on doit recommencer. Sans parler de l’entretien du conduit d’évacuation – qui doit efficacement aspirer les fumées, sous peine de suffoquer dans une tenace odeur de roussi… Le choix de la cheminée est donc plutôt fastidieux et sisyphéen. Mais le jeu en vaut la chandelle ! Une fois ce geste accompli : place au repos et à la contemplation. Car le feu est un spectacle complet qui sollicite, voire envoûte tous nos sens. Le craquement de la bûche fait crépiter nos oreilles, nos narines frémissent aux effluves du bois brûlant tandis que notre peau s’endort mollement, attendrie par cette chaleur enveloppante qui colore nos joues. Dans La Psychanalyse du feu (1938), Gaston Bachelard estime que le feu possède un « charme » indescriptible, particulièrement propice à la rêverie et au repos. Se chauffer à la cheminée consiste donc à travailler en coulisse à son propre confort pour s’offrir ensuite un spectacle doux et flamboyant, à la fois « monotone et brillant ». C’est également une manière de revenir à un rite ancien et fondamental : une « invitation au repos » qui fédère les groupes sociaux et adoucit les mœurs.

Pierre Charbonnier et la fourberie du fioul

Depuis 2018, le fioul n’est plus à la fête. Le gouvernement souhaite supprimer toutes les chaudières au mazout d’ici 2025. En cause : le coût écologique considérable d’une énergie fossile non renouvelable, dérivée du pétrole. Le problème, c’est qu’il est difficile de se rendre compte des conséquences désastreuses du fioul, car le pétrole vient de loin. Sa production étant, en France, totalement extra-territoriale, nous avons eu tendance à le prendre pour une énergie « invisible », comme l’explique Pierre Charbonnier dans Abondance et Liberté (La Découverte, 2020). Ne pas voir les hydrocarbures s’épuiser au sein de notre territoire donne l’impression d’une ressource impalpable, illimitée et quasi magique. Petit à petit, les usagers, mais aussi les acteurs économiques et politiques ont cessé de (vouloir) comprendre les enjeux emberlificotés d’une économie complexe et mondialisée. Selon Charbonnier, pour « développer une conscience critique » sur nos énergies et ainsi lutter efficacement contre le réchauffement climatique, il faut récupérer le pouvoir sur ces dernières : avoir conscience d’où elles viennent et saisir les réseaux qui les fournissent.

Tristan Garcia et la puissance foudroyante de l’électricité

Se chauffer à l’électricité : quoi de plus banal ? « Plus personne, depuis le dernier tiers du XXe siècle, ne s’étonne ni ne s’émerveille vraiment des pouvoirs électriques », constate Tristan Garcia dans La Vie intense. Une obsession moderne (Autrement, 2018). Et pourtant, l’électricité a eu ses heures de gloire. À ses débuts, au XVIIIe siècle, celle que l’on appelle « le fluide électrique » est un miracle, voire une folie. Elle étonne, inquiète et fascine les foules qui s’exaltent devant son spectacle ébouriffant. Plus qu’une simple manière de se chauffer, le courant électrique implique une certaine façon d’être, et même une façon de désirer. À l’origine, explique Garcia, elle est perçue « comme une libido naturelle de toute la matière, qui n’attend que son prétendant – l’homme – pour se révéler ». L’arrivée de l’électricité apparaît donc comme un coup de foudre littéral, qui renverse l’humanité. L’homme électrisé devient « intense ». Il se met à vouloir vibrer et à rechercher activement les sensations fortes. Certes, depuis l’envolée des prix, l’électricité a perdu de sa superbe. Mais il en restera toujours « une sorte de griserie », estime l’écrivain. Choisir l’électricité, c’est renouer avec une forme de courant vital.

Edgar Morin et l’ingéniosité éthique des systèmes écologiques

Ne pas avoir froid. C’est un confort minimal, un droit, auquel l’humanité tout entière devrait pouvoir accéder. Mais à l’heure de l’épuisement des ressources et de l’envolée des prix, il devient de plus en plus difficile à obtenir. Pour réussir ce défi, Edgar Morin considère qu’il faut personnaliser notre manière de nous chauffer, en nous adaptant constamment à notre milieu et au contexte bien défini dans lequel nous nous situons. Dans les régions ensoleillées par exemple, l’énergie solaire peut être captée par des panneaux. Et si cela ne suffit pas, on peut l’associer à d’autres systèmes qu’il faut « concevoir ensemble et non de façon séparée », détaille Morin dans son essai L’Entrée dans l’ère écologique. Les pompes à chaleur géothermiques, aquathermiques et aérothermiques peuvent respectivement convertir l’énergie tellurique, hydrique et éolienne en énergie thermique et constituer des suppléments énergétiques dans les régions sans soleil. Il s’agit en l’occurrence de révolutionner notre manière de penser le chauffage en associant constamment la question de nos besoins à celle des ressources disponibles. En suivant « ces fils énergétiques », estime le philosophe, nous parviendrons peut-être à tisser un monde à la fois viable et vivable. Encore faut-il accepter de sortir d’une vision « mondialisée » du chauffage…

Arthur Schopenhauer et l’aubaine de la chaleur humaine

Invitez quelques amis dans une pièce fermée, faites-les boire un petit coup et la température finira mécaniquement par s’élever. La chaleur humaine n’est pas seulement une métaphore de la convivialité et des festivités : la présence de plusieurs corps à 37° Celsius crée un réel apport thermique. Dans une petite fable tirée de ses Parerga et Paralipomena (1851), Arthur Schopenhauer évoque cette chaleur réconfortante des corps serrés les uns contre les autres. « Par une froide journée d’hiver, quelques porcs-épics se serraient étroitement les uns contre les autres, de façon que leur chaleur mutuelle les protège du gel. » Mais, poursuit le philosophe, « ils ressentirent bientôt l’effet de leurs piquants les uns sur les autres, ce qui les fit s’écarter ». Ce type de chauffage collectif (et totalement écologique) peut être sympathique, seulement s’il est voulu. À l’inverse, la chaleur des corps serrés, voire compressés, peut finir par irriter, si ce n’est devenir franchement détestable. Se réchauffer dans un métro bondé par exemple – même au cœur de l’hiver – est rarement une partie de plaisir. Ainsi s’agit-il, comme souvent, de trouver une juste distance pour se réchauffer… sans se piquer.

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