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© Victorine de Oliveira

“Sans Souci”, avec tristesse nous te disons adieu

Victorine de Oliveira publié le 08 mars 2023 3 min

“On va au Sans Souci ?” Cette petite phrase anodine, dès demain, nous ne pourrons plus la prononcer. Son célèbre néon jaune qui éclaire l’angle de la rue Pigalle et de la rue de Douai depuis 90 ans s’éteindra pour de bon – certes, le néon n’est peut-être pas là depuis le début, mais vous avez l’idée du pan d’histoire qui tire sa révérence.

 

« Le Sans Souci, c’était avant tout un nom : la promesse qu’une fois la porte passée, on abandonne le poids du quotidien sur le trottoir pour entrer le cœur léger s’accouder au comptoir et taper la discute aux serveurs. Ou se caler sur les banquettes craquelées du fond, pour observer tranquillement les autres habitués ou clients de passage. Ou encore s’assoir à la table entre la fenêtre et le radiateur : idéal en hiver, pour envelopper de chaleur des rêveries tournées vers l’extérieur. “Allons au Sans-Souci, je vous en prie”, propose Elsa Wiener, celle qui donne son nom à La Passante du Sans-Souci, un roman de Joseph Kessel paru en 1936. “Le nom me plaît depuis longtemps et je n’y suis jamais entrée.” Entretemps, l’enseigne a perdu son trait d’union. Mais le lieu en est devenu un.

D’abord ouvert toute la journée et toute la nuit, le Sans Souci a enjambé les heures pour permettre à une myriade de noctambules désemparés d’avaler le temps en même temps que leur godet. Le narrateur de La Passante du Sans-Souci évoque une fièvre qui le pousse inlassablement vers ce croisement magnétique, le “sentiment de tristesse infinie, d’obligation stupide et fatale par lequel je me voyais, chaque nuit, sans argent, sans désir, sans plaisir, poussé vers Montmartre, échoué au Sans-Souci”. L’insomnie et la “débauche” comme l’écrit Kessel attisent la vie, en même temps qu’elles la plongent dans la douce et rassurante torpeur de la répétition. “Encore une nuit de tirée, dit Émile, le garçon du Sans-Souci.” Tirée comme un trait qui appelle une suite : une nouvelle fête, une nouvelle rencontre, une nouvelle cuite, voire une désillusion aussi.

Le Sans Souci avait désormais des horaires d’ouverture et de fermeture. Mais comme tout bar de quartier, il rassemblait les habitués qui tournaient aussi bien au café qu’à la Super Bock ou à la Chartreuse, selon l’heure. Encadré par tous les magasins d’instruments de musique de la rue de Douai et de la rue Victor Massé, on y écoutait du rock jusqu’à plus soif, de Fleetwood Mac à Oasis en passant par les Smiths. Exiger un beat plus synthétique, c’était l’assurance de se faire dégager. “Ou va-t-on écouter Bowie sur des enceintes qui crachent en faisant comme si on y était presque, à cette époque-là ?”, se demandait une amie ce week-end.

Qu’est-ce qui fait l’identité d’un lieu, qui plus est d’un bar ? L’anthropologue Marc Augé, auteur d’un Éloge du bistrot parisien (Manuels Payot, 2015) nous avait confié en mai 2020, alors en plein confinement, son attachement à ces “lieux d’apprentissage des autres”, qu’il oppose aux non-lieux – aéroports, centres commerciaux et parcs de loisirs, ou l’on se croise sans interagir. Le zinc, lui, crée du commun, une communauté : “Il n’appartient à personne tout en faisant sa place à chacun.” Et Dieu sait qu’on y a joué des coudes pour s’y faire une place, justement.

La foule qui rendra un dernier hommage au Sans Souci ce soir n’a plus rien à voir avec les filles “maquillées de fards violents et d’une expression tragique” de Kessel, ou les voyous qui tiraient à balles réelles dans les rues hantées par Jacques Mesrine. Plus insouciante, sans doute, moins abîmée par une misère qui n’existe plus que dans les interstices du quartier. L’absence de souci n’empêche toutefois pas la nostalgie, et aujourd’hui, nous sommes inconsolables. La suite sera apparemment une boulangerie. »

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