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Variété de Népenthès, un genre de plantes carnivores. Chromolithographie de P. de Pannemaeker d’après “L’Illustration horticole” de Jean Linden, Bruxelles, 1882. © Bridgeman Images

Sans chagrin, sans défense

Octave Larmagnac-Matheron publié le 14 octobre 2022 3 min

Il y a quelques jours, un colis est arrivé d’Allemagne, qu’Octave Larmagnac-Matheron n’attendait pas, ou plus. Passée il y a plus d’un an, la commande lui était sortie de la tête, après quelques relances infructueuses et agacées. Heureuse surprise, en somme, rehaussant la joie de tenir entre ses mains le contenu de la petite boîte. À l’intérieur, un Nepenthes inermis…

 

« Les Nepenthes sont un genre de plantes tropicales originaires d’Asie du Sud-Est – vous avez certainement déjà croisé leurs pièges en forme d’urnes en jardinerie. C’est au botaniste suédois Carl von Linné qu’elles doivent leur nom scientifique – nê-pénthos, “pas de chagrin” (νηπενθής), en référence au breuvage léthargique que Pâris sert à Hélène après l’avoir arrachée à son pays natal (un peu, d’ailleurs, comme les Nepenthes) pour lui faire oublier sa tristesse : “Si ce n’est pas le Nepenthes d’Hélène, ce le sera certainement pour tous les botanistes. Quel botaniste ne serait pas rempli d’admiration si, après un long voyage, il découvrait cette plante merveilleuse ? Dans son étonnement, les maux passés seraient oubliés” (Hortus cliffortianus, 1738).

L’inermis, au sein de cette famille étonnante de plantes capables de digérer des insectes et même à l’occasion, lorsque la taille des pichets le permet, de petits mammifères et amphibiens, peut être considérée comme précieuse dans le système de valeurs de la communauté, un peu étrange, des collectionneurs de plantes carnivores. C’est certainement ce qui m’a poussé à l’acquérir, en dépit d’un prix dissuasif. Bien sûr, j’aime tout particulièrement son allure : la forme unique, sans péristome, de ses urnes d’une belle couleur vert-jaune, à peine recouvertes d’un infime opercule (ce qui lui vaut son nom – “sans défense”).

Mais la rareté y est bien pour quelque chose, comme l’écrit La Bruyère dans les Caractères (1687) au sujet du collectionneur de tulipes : “[Sa] curiosité n’est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique.” Quelle ne fut pas ma joie, d’ailleurs, en découvrant sur une feuille tout juste éclose que j’avais d’abord crue malade de fines marbrures blanches qui, si elles signifient vraisemblablement un défaut physiologique de chlorophylle, constituent pour moi le signe manifeste de la singularité de mon spécimen de quelques centimètres.

Si l’on comprend aisément cette logique qui structure l’esprit de collection, le désir sous-jacent n’en reste pas moins mystérieux. “La création d’une collection est affaire de passion, de joie, de sensation, de relation avec les plantes […] L’idée de créer une collection n’est pas explicable”, note Georges Gallier dans Vert Patrimoine de Françoise Dubost. N’est-ce pas, précisément, qu’il n’y a rien à comprendre sinon un degré d’attention tout particulièrement profond aux choses pour elles-mêmes, dont l’espace de la collection ménage la possibilité ? “Vous le voyez planté, et qui a pris racine au milieu de ses tulipes”, écrit La Bruyère. La fleur, “il la contemple, il l’admire. Dieu et la nature sont en tout cela ce qu’il n’admire point”.

Cette “tendresse presque humaine pour les choses”, souligne Edmond de Goncourt dans La Maison d’un artiste (t. I), est exacerbée par “la tristesse des jours actuels, […] l’incertitude des lendemains, […] l’enfantement, les pieds devant, de la société nouvelle”, par cette torpeur qui invite à “l’oubli du moment dans l’assouvissement esthétique”. Mon petit Nepenthes, dont j’observe chaque jour la lente croissance, ne pourrait mieux porter son nom qu’en ces temps troublés. »

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