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Evgueni Prigojine, fondateur de la société militaire privée Wagner, le 24 décembre 2022 à Saint-Pétersbourg (Russie). © Aleksey Smagin/Kommersant/Sipa

Mutinerie en Russie

Rébellion de Prigojine : trois éléments clés pour comprendre

Michel Eltchaninoff publié le 24 juin 2023 4 min

Que veut Evgueni Prigojine en lançant sa rébellion armée ? Et comment interpréter la réaction de Vladimir Poutine ? Leurs déclarations récentes permettent d’éclairer la tentation bonapartiste du chef de l’armée privée Wagner.

Une remise en cause du récit officiel sur l’Ukraine

Cela fait plusieurs mois que le chef de Wagner s’oppose à l’État et à l’armée russes. Engagé dans la guerre en Ukraine, Evgueni Prigojine critiquait violemment le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le commandement militaire, chapeauté par Vitali Guerassimov. Mais il ne ciblait pas jusqu’à présent Vladimir Poutine lui-même, dont il a été proche (il a notamment été le « cuisinier de Poutine »). Toute cette stratégie a changé hier, au cours d’un long monologue d’Evgueni Prigojine diffusé dans une vidéo au ton inédit. Pour la première fois, et de façon très claire, ce dernier a fait un récit des origines de l’invasion russe en Ukraine fort différent de celui du chef du Kremlin.

Prigojine raconte que les populations russophones du Donbass n’étaient pas sur le point de subir un « génocide » de la part des forces ukrainiennes, et que l’Otan ne s’apprêtait pas à attaquer les républiques séparatistes de l’Ukraine orientale, contrairement à ce que martèle Poutine. Selon Prigojine, cette « opération militaire spéciale » a été le fruit de la volonté de puissance du ministre Choïgou et des velléités d’enrichissement du commandement militaire et des oligarques, occupés à détourner une partie du budget de la guerre, sur le dos des soldats russes envoyés à l’abattoir et d’une population acculée par les sanctions internationales. Prigojine estime ainsi que Poutine a été désinformé par son cercle le plus proche, ce qui témoignerait de sa faiblesse.

Le risque pris par Prigojine est-il inconsidéré ? Au fond, le mercenaire est persuadé que sa vision des choses est partagée par une grande partie de la population russe, fatiguée de cette guerre meurtrière. Il s’est donc positionné comme leur champion et compte sur leur soutien. Cela ne signifie cependant pas qu’il souhaite arrêter le conflit, plutôt qu’il pourrait le diriger autrement, par exemple en lançant des forces spéciales sur Kiev. Ainsi, si sa tentative de coup d’État réussissait, il n’est pas dit que la guerre contre l’Ukraine ne deviendrait pas encore plus violente… On peut même penser que l’inverse se produirait.

L’étrange réaction de Vladimir Poutine

Samedi 24 juin en fin de matinée, alors que la ville de Rostov-sur-le-Don était apparemment déjà sous le contrôle des hommes de Wagner, le président russe est intervenu à la télévision pour poser des mots sur ce qui se passait. Il n’a pas cherché à minimiser les événements, mais a au contraire a dramatisé l’enjeu, affirmant que les « traîtres » seraient punis, malgré leur héroïsme dans le conflit en Ukraine, et qu’il « résisterait » à ce « soulèvement ».

Mais un fait étonne. Au lieu de faire allusion à l’une des dernières tentatives de putsch de l’histoire russe, le coup d’État manqué de 1991 contre Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’URSS, il est remonté à 1917 et à la « guerre civile » qui a duré jusqu’en 1921 entre les Blancs antibolchéviques et les Rouges. L’intention de Poutine est claire : avec cette analogie, il s’agit de relier un contexte de guerre extérieure à une situation interne. En 1917, en effet, la Russie participait à la Première Guerre mondiale. À cause des révolutions de Février et d’Octobre 1917, le pays a dû, comme l’a expliqué Poutine, se retirer du conflit mondial au prix d’importantes concessions territoriales.

L’aventure de Prigojine met en péril la grande guerre supposément « civilisationnelle » que mène la Russie en Ukraine. Le cauchemar du président russe est qu’une guerre civile russe vienne mettre à mal son dessein historique de lutte contre l’Occident et l’Ukraine alliée. Reste que le choix de revenir à l’époque de la révolution de 1917 est paradoxal. Car ce sont les bolchéviques – Wagner, dans l’analogie – qui ont gagné à la fin ! La révolution armée de Lénine et des siens, que Poutine qualifie souvent de putsch, a réussi. Le chef du Kremlin, visiblement fébrile et inquiet, n’a peut-être pas donné l’exemple le plus mobilisateur pour ses concitoyens, installant l’idée d’une victoire possible de la rébellion prigojinienne.

Un bonapartisme russe ?

Lors de sa déclaration télévisée, Poutine a également fait allusion à des aventures putschistes lors de la période révolutionnaire de 1917. On sait en effet qu’entre la révolution de février et celle d’octobre, des chefs militaires ont essayé de prendre le pouvoir, comme, par exemple, le général Kornilov, qui a voulu marcher sur la capitale russe en août 1917. La tentation bonapartiste n’est donc pas inconnue dans l’histoire russe. Elle a aussi brièvement plané sur la Russie des années 1990 lorsque le général Alexandre Lebed, héros de la première guerre de Tchétchénie, a été vu comme un nouveau Bonaparte, apte à sortir son pays de l'anarchie.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si l’aventure de Prigojine sera tuée dans l’œuf ou connaîtra un certain succès. Tout dépend du terrain militaire, de la loyauté des troupes régulières, des élites russes, et, pourquoi pas, des citoyens, qui sont pour l’instant les grands absents de ce bras de fer. Quoi qu’il en soit, le fait même qu’un chef de guerre ait réussi à paniquer l’État russe et à avancer dans le pays montre que désormais tout est possible en Russie. C’est également un aveu d’échec politique pour Poutine, qui avait promis à ses concitoyens la stabilité dans les années 2000, la grandeur dans les années 2010, et qui récolte aujourd’hui le fruit de sa propre aventure militaire : le chaos.

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