À quoi servent les mauvaises notes ?
La France voue un culte à la réussite scolaire. Si bien que l’échec y est vécu de manière traumatisante. Pour remédier à l’angoisse du zéro pointé, professeurs et pédagogues tentent ici d’arbitrer entre épanouissement de l’élève et acquisition des connaissances.
Albert Einstein fut renvoyé du lycée à 15 ans et rata l’examen d’entrée à l’École polytechnique de Zurich. Honoré de Balzac dut quitter le collège à 14 ans. Quant à John Lennon, il échoua au O-level (l’équivalent anglais du brevet des collèges)… Au moins en partie, l’histoire des sciences et des arts fut écrite par des inadaptés au système scolaire. Hélas ! il est impossible d’inverser la proposition : un système éducatif qui fonctionne mal n’accouche pas de génies par milliers. Il ne fait qu’alimenter le mal-être d’une société, creuser les inégalités et le fossé entre générations.
Comment évaluer les performances des élèves et comment mesurer celles de l’école ? Des outils statistiques existent. Tous les trois ans, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publie le classement Pisa (Program for International Student Assessment, « Programme international pour le suivi des acquis des élèves »). Il s’agit une enquête-test conçue pour mesurer les connaissances des jeunes de 15 ans un peu partout sur la planète. Dans ce classement, la France perd lentement du terrain. Entre 2001 et 2012, le taux d’élèves français en difficulté a stagné ou s’est aggravé selon les disciplines. En lecture, par exemple, le pourcentage d’élèves faibles a augmenté en France de 1,4 %, alors qu’il a régressé dans l’OCDE de 1,7 %. Quant au taux d’élèves très faibles en mathématiques, il reste stationnaire autour du chiffre inquiétant de 24 %. Le catastrophisme n’est certes pas de mise : le taux d’élèves faibles ou très faibles situe la France au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est la stagnation, voire la légère aggravation de ce taux. D’autres chiffres préoccupants peuvent être invoqués, tels que le nombre de « sortants » précoces du système scolaire (8,5 %) et le taux relativement médiocre d’employabilité (74,5 %). Pour Marie Duru-Bellat, chercheuse et professeure de sociologie à Sciences-Po, « ce qui caractérise la situation française, ce sont de fortes disparités, avec un taux d’élèves très faibles qui reste anormal pour un pays développé, et surtout la stabilité de ce taux sur la longue durée. De plus, on n’observe pas ce “choc Pisa” qui a permis le redressement de certains pays, comme l’Allemagne ou la Pologne, dans les années 2000-2010. Il règne en France un certain fatalisme quant aux résultats des évaluations internationales, considérées comme calquées sur un modèle anglo-saxon, mais aussi quant aux performances objectives de l’Éducation nationale ».
« En France, on croit que l’école peut tout, et ceci crée une tension très forte sur le système »
Marie Duru-Bellat, sociologue
Derrière cet état des lieux contrasté sur l’état global d’un système, il faut se pencher sur la réalité humaine des élèves. Comment les difficultés du système se répercutent à l’échelle individuelle ? Comment l’échec scolaire est-il vécu ? En France, les ingrédients semblent réunis pour que celui-ci prenne une tonalité dramatique. Dans un système censé se fonder sur le seul mérite mais où l’origine sociale des élèves pèse de plus en plus sur leur itinéraire scolaire, et où la sélection entre filières et entre bonnes et mauvaises écoles ou entre grandes écoles et Université est de plus en plus marquée, l’échec scolaire est vécu plus douloureusement qu’ailleurs. Plutôt qu’une occasion de rectifier des erreurs ou de changer d’orientation, il se transforme en catastrophe personnelle. Nombre d’élèves en portent toute leur vie le stigmate. Qui n’a pas dans son entourage une personne qui ne s’est pas remise d’avoir échoué à un concours qu’elle a tenté plusieurs fois ? Le coup est d’autant plus dur que les élèves s’entendent dorénavant dire que l’école n’est plus là pour transmettre un stock de connaissances, mais pour développer leurs capacités et leurs talents… « En France, souligne Marie Duru-Bellat, on croit que l’école peut tout, et ceci crée une tension très forte sur le système. D’autant que l’écart entre établissements se creuse et que cette disparité de niveaux recoupe la structure sociale française. On en finit par douter du principe même de la méritocratie… » Cette situation est génératrice d’une tension et d’une anxiété spécifiquement française.
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