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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Que se passe-t-il quand l'esprit lâche prise?

Pascale Chami d’Agraives, propos recueillis par Samuel Webb publié le 26 novembre 2014 13 min

Reportage dans un cabinet d'hypnose.

« Ainsi, vous faites le lien entre le stress, l’anxiété et votre douleur ? » La voix est douce, posée, presque monocorde, en plein accord avec l’atmosphère ouatée de ce luxueux cabinet parisien qui doit servir de cadre à ma toute première séance d’hypnose. Pascale Chami d’Agraives est psychologue clinicienne et travaille au centre Hypnosis depuis 2006. Elle m’accueille aujourd’hui pour soulager un mal de dos qui me poursuit depuis de longues années. En effet, quels que soient mes efforts pour corriger ma posture, la crispation de mes muscles ne s’en trouve qu’augmentée. La thérapeute m’écoute avec une attention bienveillante. Elle renchérit même sur mes plaintes : « En fin de compte, vous en avez plein le dos, comme vous le disiez très justement en commençant. L’expression populaire veut bien dire ce qu’elle veut dire, elle exprime beaucoup de choses… » Le but n’est pas seulement de me mettre à l’aise. Derrière cet échange d’amabilités se joue quelque chose d’autre : c’est le pacing. Un procédé prisé des hypnotistes, qui vise à atteindre une « cadence » (pace, en anglais) commune avec le patient, en imitant le rythme de ses mots, la tournure de ses propos, ou encore les métaphores qu’il emploie. Le tout en vue d’instaurer une relation harmonieuse, qui doit faciliter le travail de la séance.

Une fois accordés nos violons, Pascale Chami d’Agraives s’assure que ma motivation est restée intacte : « À présent, le moment serait-il favorable pour que les choses aillent autrement, peut-être ? » Ayant reçu mon feu vert, elle risque une proposition : « Cette douleur qui est là, derrière, est-ce que vous voulez la saisir et la déposer là, dans vos mains, comme cela ? » Je suis surpris que nous allions si vite en besogne, moi qui croyais ce type d’expériences réservé à la transe profonde ! Mais je décide de faire confiance à la thérapeute et je tends donc mes mains devant moi, les paumes tournées vers le haut, en essayant d’y transporter la douleur… qui reste désespérément collée à mon dos. Serais-je peu réceptif à l’hypnose ? Après tout, je rentre dans la catégorie des patients dits difficiles, ceux qui intellectualisent trop !

« À en juger par l’étrange ballet qu’elles composent, mes mains n’attendaient d’ailleurs que cela : que mon esprit leur fiche la paix »

Heureusement, Pascale Chami d’Agraives vient à mon aide : « Prenez le temps de ressentir ces sensations… ces sensations “bizarres” comme vous dites… ce picotement… ces palpitations… Et si vous le souhaitez, en fermant les yeux, prenez le temps de ressentir le poids que cela a, la forme que cela pourrait avoir, et aussi les couleurs. » Fermer les yeux s’avère salutaire. La douleur n’a pas quitté mes omoplates, mais je n’ai pas pour autant les mains vides ! Mon imagination vient d’y figurer une masse translucide, aux couleurs chaudes et mouvantes. On m’invite à laisser mes mains faire ce qu’elles veulent de cette pâte. Ma volonté doit être mise de côté : la magie opérera sans que j’y mette du mien. « Plus vous laissez faire, plus cela se fait. » Je dois bien constater que mes doigts se replient peu à peu sur la boule imaginaire. Grâce aux encouragements que la thérapeute me donne à voix basse, ce ne sont plus seulement les doigts, mais mes mains qui participent au lent travail de pétrissage. Bref, me voici officiellement « dissocié » ! Dans le jargon des hypnothérapeutes, le terme exprime un décrochage entre les agissements du sujet et ses intentions. Le corps manifeste une spontanéité qui lui est propre, dès lors que nous consentons au lâcher prise. À en juger par l’étrange ballet qu’elles composent, mes mains n’attendaient d’ailleurs que cela : que mon esprit leur fiche la paix.

Comment parvient-on à un tel résultat ? Pascale Chami d’Agraives a joué d’habileté en s’appuyant sur une réaction physiologique bien connue. Lorsque nous cessons de faire effort pour garder les mains ouvertes, nos doigts se recroquevillent automatiquement. Ce type de phénomène est la voie royale de ce qu’on appelle la « suggestion ». Central pour l’hypnose, ce concept a cristallisé toutes les polémiques autour de la discipline. Il désigne l’influence de l’hypnotiste sur son patient, par laquelle sont « suggérés » à ce dernier des sensations ou des souvenirs factices, ainsi que certains comportements. La suggestion ne fonctionne pas à vide mais doit s’appuyer sur les perceptions du sujet. Les petites saccades qui animent mes phalanges ont servi à Pascale Chami d’Agraives de base sur laquelle broder ses suggestions. L’hypnothérapeute amplifie et transforme les mouvements esquissés par mon corps. Ainsi son influence s’insinue en douceur, par une suite de transitions insensibles qui brouillent peu à peu les frontières du réel et du fictif, ou du volontaire et de l’involontaire.

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