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Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, la commissaire russe aux droits de l’enfant, au Kremlin de Moscou (Russie), le 9 mars 2023. © Mikhail Klimentyev/Bureau de presse et d’information de la présidence russe/TASS/Sipa

Quand Poutine et Trump doivent rendre des comptes

Martin Legros publié le 20 mars 2023 4 min

Un jour après qu’on a appris que le procureur de la Cour pénale internationale lançait un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, voilà que Donald Trump annonce qu’il risque d’être arrêté dans le cadre d’une enquête pour corruption par la justice américaine. Au cœur de ces deux procédures, une exigence dont Platon et Aristote faisaient le cœur battant de la politique démocratique : la reddition de comptes.

 

« Dans le climat orageux du moment, voilà deux nouvelles, tombées coup sur coup, qui ont réjoui tous les esprits attachés à l’idée du droit. La première est la plus importante : le procureur de la CPI Karim Khan a donc considéré qu’il disposait de suffisamment d’éléments attestant d’une responsabilité directe du chef du Kremlin et de sa Commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, afin d’émettre contre eux un mandat d’arrêt international pour “déportation illégale” par l’armée russe d’enfants ukrainiens. Pour la première fois, un chef d’État en exercice d’une grande puissance nucléaire, siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU, est poursuivi devant la justice internationale pour un crime de guerre : la déportation de plus de 16 000 enfants ukrainiens transférés sur tout le territoire de la Fédération de Russie dans des camps ou des familles où ils doivent être “rééduqués”. Même si la Russie, comme les États-Unis, l’Iran ou Israël, n’a pas ratifié le traité de Rome qui institue la Cour pénale internationale et n’admet pas l’idée de compétence pénale universelle, le signal est fort. D’autant que les crimes en question relèvent également de la convention de Genève et des protections particulières qu’elle accorde aux enfants – une convention qui est, elle, reconnue dans le monde entier. De sorte que théoriquement, Vladimir Poutine pourrait être arrêté demain dans tous les pays du monde… y compris en Russie. Même si l’on voit mal comment le chef du Kremlin pourrait être jugé dans un avenir proche, l’impunité dont il croyait bénéficier se voit symboliquement entamée. Et Poutine n’est plus seulement un homme d’État, un chef de guerre et un interlocuteur pour une paix future, c’est dorénavant aussi un homme recherché par la police. Et mis en demeure de répondre de ses crimes devant l’opinion et la justice internationales.

Or voilà que le lendemain de cette incroyable annonce, Donald Trump prend l’initiative de révéler qu’à son tour, il pourrait être arrêté très prochainement par la justice américaine dans le cadre de l’une des très nombreuses enquêtes lancées contre lui – en l’occurrence, pour avoir payé une ou plusieurs femmes afin qu’elles ne révèlent pas, à la veille de sa première entrée en campagne électorale, une liaison et/ou une agression sexuelle. “Le candidat républicain à l’investiture et ancien président des États-Unis d’Amérique va être arrêté mardi”, a posté Trump sur les réseaux sociaux, mi-incrédule, mi-rageux, en appelant ses soutiens à se mobiliser pour sa cause. La justice n’a pas confirmé. Et il faudra sans doute encore du temps avant que les enquêtes contre Donald Trump, pour ses déboires avec le fisc aussi bien que son soutien à l’insurrection du Capitole, n’aboutissent à une inculpation en bonne et due forme. Mais une fois encore, le signal est éloquent et sans précédent. Un ancien président des États-Unis envisage ouvertement d’être inculpé – ce n’était jamais arrivé, même à Nixon au lendemain du Watergate !

Rendre des comptes : voilà une exigence démocratique à laquelle on accorde trop peu d’importance. Élire ses magistrats, les contrôler pendant leur mandat, cela paraît essentiel à tout bon démocrate. Mais les obliger à rendre des comptes sur ce qu’ils ont fait au cours de leur mandat et les juger dans le cas où ils auraient commis des fautes, cela semble étrangement sans importance. “À quoi bon chercher des poux à des dirigeants, une fois que le mal est fait. Il suffit de ne pas les réélire”, entend-on parfois.

À l’origine de la démocratie, ce fut pourtant considéré comme une procédure essentielle. À Athènes, les fondateurs de la Cité Solon, Clisthène et Périclès en avaient fait une institution fondamentale. L’euthynai (εὑθύναι), la reddition de comptes donc, s’exerçait à la fin de tous les mandats et conduisait à contrôler la bonne gestion financière des magistrats, tandis que l’eisangélie (εἰσαγγελία, la “dénonciation”) permettait à tout citoyen de poursuivre devant l’Assemblée un dirigeant ou un stratège pour corruption ou atteinte aux intérêts de la Cité. Au Livre VI de sa Politique, Aristote en fait un enjeu “véritablement primordial”. En quoi est-il à ce point essentiel ? C’est Platon, pourtant farouche adversaire de la démocratie, qui éclaire sa portée. La reddition de comptes, affirme-t-il dans Les Lois, n’exige pas seulement des dirigeants qu’ils répondent de leurs actes ; elle invite du même coup chaque citoyen à exercer son jugement. “Il faut, écrit-il à propos des accusation publiques contre des crimes d’État, que tous y prennent part. Car tous les citoyens sont lésés lorsque l’État l’est.” Et il ajoute : “Car celui qui ne participe pas au pouvoir de juger s’estime absolument exclu de la cité.”

Peut-être Poutine et Trump ne seront-ils jamais jugés. Mais qu’ils soient inculpés ou qu’ils redoutent de l’être est en soi seul un progrès du droit qui incite tous les acteurs de l’espace public international, citoyens, peuple comme dirigeants, à exercer son jugement – au lieu de considérer qu’en l’absence d’un État mondial, les actes échappent au droit. Exercer le pouvoir de juger, c’est faire davantage exister la Cité du droit. »

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