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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Quand l’europe s’éveillera

Philippe Nassif publié le 27 août 2012 15 min

Pessimistes, les philosophes ? Ils préfèrent plutôt penser de nouveaux futurs pour l’Europe. Tour d’horizon en six propositions.

1/ L’empire du Bien

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » : c’est bien la remarque d’Albert Camus qui vient à l’esprit de certains lorsqu’ils entendent le mot « décadence ». Le philosophe Peter Sloterdijk *, par exemple, avec son art détendu du retournement, réplique : « La décadence ? Ce n’est qu’un faux mot pour désigner un état de civilisation très avancée. » Autrement dit ? Il serait temps pour les consciences européennes de comprendre que l’expression « Vieux Continent » n’est pas seulement synonyme de « croulant », mais est aussi le signe d’un privilège historique : l’Europe est parvenue aujourd’hui au terme d’un long roman d’initiation. Elle a connu l’orgueil de l’essor impérial lors des temps modernes, sa chute brutale avec la Seconde Guerre mondiale, son humiliante provincialisation durant une guerre froide opposant les nouveaux empires américain et soviétique. C’est ainsi que l’Europe s’acclimate depuis plus de soixante ans à une nouvelle ère posthéroïque. D’abord dans une atmosphère d’hébétude : la seconde moitié du XXe siècle, souligne Sloterdijk dans son essai Si l’Europe s’éveille (Mille et Une Nuits), est une ère de l’absence. Elle promeut une idéologie du vide – en gros, l’hédonisme excité. Et elle limite la coopération européenne – du traité de la CECA à Maastricht – à des ambitions platement économiques. Mais, depuis l’effondrement de l’URSS, depuis la tragédie de Sarajevo, face à laquelle les pays européens se sont montrés impuissants, depuis la mise en crise de l’empire américain, l’Europe est appelée à retrouver un rôle de premier plan sur la scène de l’Histoire. Du moins, précise Sloterdijk, si des hommes politiques surgissent, qui sachent proposer une version moderne de « la fonction prophétique de l’intelligence ». Il s’agit donc de voir grand : une authentique politique européenne « doit être en mesure de dire en quoi consistent les avantages qui justifient le droit qu’a l’Europe de remporter des succès au cours des siècles à venir », écrit Sloterdijk. Et quels succès viserait-elle ? « L’Europe sera le séminaire où les gens apprennent à réfléchir au-delà de l’Empire. » Il s’agit donc de s’ouvrir aux forces qui sont à l’œuvre derrière les faiblesses apparentes de l’Europe : d’initier une étape post-décadente. Car si l’Europe a toujours été animée par une volonté de « rejouer » l’Empire romain, il lui appartient aujourd’hui de provoquer une métamorphose de l’idée même d’empire. « N’est-il pas bien européen de surprendre le monde par la nouveauté ? » Aux nouvelles générations, donc, d’imaginer une forme politique inédite qui – « au-dessus des États-nations, avec les États-nations » – s’imposerait comme une « fédération multinationale » animée par une « philosophie postimpérialiste » : une reprise de la « formulation des droits de l’homme » rétive à « toute espèce de mépris ». Ce n’est pas tout. Dans son récent Colère et temps (Maren Sell), Sloterdijk constate l’émission d’un nouveau mandat symbolique pour l’Europe : l’avènement d’un « capitalisme de la générosité ». Il fait ainsi écho à ceux qui, comme Bernard Stiegler ou Yann Moulier-Boutang en France, théorisent une nouvelle « économie de la contribution » capable de répondre aux défis de notre temps : surmonter la menace écologique, assumer le basculement vers une économie de l’immatériel et redonner une priorité au bonheur – cette idée toujours neuve en Europe – plutôt qu’à la croissance économique. Tels sont les enjeux que seule une société d’abondance postmachiste (ce qui exclut les États-Unis et le Japon) est en mesure d’expérimenter.

« Nous ne pouvons que tomber en avant: vers un état de civilisation encore plus élevé, plus sophistiqué, plus développé... »

Peter Sloterdijk

De même, nous serions sans doute bien inspirés de prêter l’oreille aux arguments des militants de la décroissance qui gagnent toujours plus d’adeptes du côté de la gauche radicale. Car, là aussi, malgré les limites – la vie à vélo et les maisons en paille –, il s’agit bien de la même logique de retournement : sortir de la « décroissance subie » en choisissant une « décroissance conduite ». Bref, découvrir la vertu – « la sobriété volontaire » – que recèle la nécessité – survivre à la crise économique. Et c’est ainsi que la « vieille » Europe, moquée par le conseiller de George Bush, Donald Rumsfeld, pourrait, depuis sa maturité nouvelle, enrichir le processus de civilisation de possibilités d’existence. Loin donc de toute idée de décadence : car « notre chute, c’est le progrès, nous confie Sloterdijk. Nous ne pouvons que tomber en avant : vers un état de civilisation encore plus élevé, plus sophistiqué, plus développé, vers des technologies plus explicites et des savoirs plus articulés. La chute de Rome était un fait écologique : économiquement et démographiquement, les Romains étaient au bout de leurs moyens. Mais nous, Modernes, ne sommes jamais au bout de nos moyens. Nous sommes toujours au commencement. Nous ne pouvons que trouver de nouveaux moyens. » Et cela commence par une décision sur les mots : et si plutôt que de décadence, on se mettait à parler de sagesse ? Philippe Nassif

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Article issu du magazine n°42 août 2010 Lire en ligne
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