Quand le rire prend son temps

« J’aime bien ce moment, où le public se pose des questions, à savoir… si je suis défoncé. Mais je suis pas défoncé ! Je suis juste un mec lent. » Lauréat du Grand prix du Festival d’humour de Paris en 2018, Djimo est l’un des humoristes les plus talentueux de sa génération. Avec sa nonchalance, son autodérision et ses silences très étudiés, il est parvenu à imposer un style singulier sur scène ou lors de ses interventions télévisées : le comique de lenteur. 

On associe généralement l’humour à la vitesse et à la vivacité. Pourtant, une tradition humoristique (dont Djimo est l’un des jeunes représentants) a aussi joué sur le ralentissement, la retenue ou l’attente. Un art difficile mais qui, bien maîtrisé, fait aussi des merveilles et offre un contrepoint intéressant à notre société « d’accélération ». D’où vient le charme parfois hilarant de la lenteur ?

Reconnaissance d’une signature

« Au début de ma carrière, j’ai essayé de faire comme les autres, d’être électrique, relate Djimo sur France 5. Et ça marchait pas, parce que c’était pas moi. Dès que j’ai été moi, ça a mieux marché. » Passé par le Jamel Comedy Club, Djimo est un Limougeaud au regard droopiesque, qui rit volontiers de son inadaptation à une société allant à toute vitesse. « J’aurais kiffé être une tortue », confie-t-il ainsi dans son spectacle, entre deux vannes sur les attentes excessives du marché du travail ou la consommation de drogue (qui ne lui fait « aucun effet », et pour cause : cotonneux est son état naturel). 

“On a coutume d’associer le rire à la rapidité de l’esprit ou des gestes. Choisir la lenteur, c’est donc prendre un contrepied par rapport à cette tradition”
Clément Mathis

Djimo est l’un des rares humoristes actuels qui peut se permettre un débit au ralenti et de longs silences gênants sur scène. « C’est d’ailleurs grâce à ce personnage étrange qu’il s’est fait connaître, analyse Clément Mathis, coauteur de la newsletter Haha, consacrée à l’actualité humoristique. On a coutume d’associer le rire à la rapidité de l’esprit ou des gestes. Choisir la lenteur, c’est donc prendre un contrepied par rapport à cette tradition. Il se trouve que Djimo a cette personnalité dans la vie, et c’est précisément ce que l’on attend de lui, comme de tout stand-uppeur : assumer sur scène qui il ou elle est, dans la vraie vie. » Désormais bien rodé à l’exercice, Djimo sait que sa simple arrivée sur les planches, avec une démarche pataude contrebalancée par un regard malicieux, fait rire le public. Ce minimalisme est un luxe, dans un « marché de l’humour » qui s’avère de plus en plus concurrentiel.