Pourquoi il convient d’entretenir avec l’art un rapport grossier
Si j’essaie de penser aux émotions esthétiques les plus intenses que j’ai éprouvées au cours de mon existence, je m’aperçois qu’il entre toujours, dans la rencontre avec les œuvres, un fort élément de prosaïsme.
Par exemple, j’ai le souvenir d’avoir trouvé poignant le premier mouvement de la Sonate au clair de lune de Beethoven alors que je l’entendais par une fenêtre ouverte et que l’interprète était une jeune élève de piano qui se battait avec les phrases musicales, marquait des interruptions, reprenait, se trompait, multipliait les fautes d’accord. Et pourtant, ces fragments de mélodie qui tombaient dans la rue, tandis que la ville baignait, inerte, dans la lumière trop vive d’un dimanche matin, avaient une charge affective que n’aurait pas eue à mes oreilles une interprétation virtuose à la salle Pleyel. Mais faisons un aveu plus accablant encore, qui achèvera de me faire passer pour un béotien : je me suis souvent régalé de l’écoute du standard On the Sunny Side of the Street joué par Sonny Rollins, que j’écoutais sur une vieille cassette, avant de m’apercevoir, en retrouvant le disque original, qu’il y avait eu une erreur de manipulation, et que le disque, un vieux vinyle, avait été mis sur la vitesse des 45-tours et non sur celle des 33-tours lors de l’enregistrement, si bien que le morceau que je croyais aimer… n’avait jamais existé, hormis sur ma cassette. Encore un exemple de ces rencontres impures avec la beauté : le premier livre d’art que je me suis acheté, quand j’étais adolescent, était une monographie très bon marché sur Caspar David Friedrich. Ce mois-ci, j’ai pu voir en vrai, pour la première fois, certains des tableaux que j’avais découverts dans ce livre grâce à l’exposition De l’Allemagne, au Louvre. Bien sûr, j’ai éprouvé devant eux l’espèce d’attendrissement qui nous vient lorsqu’on retrouve une photo de classe du collège, mais la puissance de cette peinture romantique, ce sont les reproductions approximatives de mon livre qui me l’ont révélée.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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