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Play it again, Raphaël !

Raphaël Imbert, propos recueillis par Martin Legros publié le 02 mai 2020 8 min

Pour Raphaël Imbert, ce sont les cinq morceaux de jazz qui évoquent le mieux le thème du temps. De “Summertime” de George Gershwin à “Memories of Tomorrow” de Keith Jarrett, le saxophoniste détaille pour nous l’origine et la signification de ces musiques. Et il nous en livre ensuite, en exclusivité depuis le Conservatoire Pierre-Barbizet de Marseille, cinq interprétations originales au saxophone.

Summertime / George Gershwin (1935)

“Gershwin inscrit l’histoire humaine au sein du temps du monde et du foisonnement de la nature”

Raphaël Imbert

« Issu de l’opéra Porgy and Bess, qui raconte l’histoire d’amour entre un mendiant noir de Charleston (Caroline du Sud) et une jeune femme sous l’emprise d’un dealer qui veut la prostituer, Summertime est un moment d’évasion dans cette composition. Au milieu d’un univers d’oppression et de misère, c’est une berceuse adressée à un enfant en vue de l’apaiser et de le réconforter. Le morceau s’ouvre par ces paroles du librettiste DuBose Heyward : 

“C’est l’été et la vie est facile, 

Les poissons bondissent et le coton est haut

Un de ces jours

Tu te lèveras en chantant

Puis tu déploieras tes ailes

Et tu te réfugieras dans le ciel

Mais d’ici là

Il n’est rien qui puisse te faire du mal

Avec papa et maman à tes côtés.”

Le fait qu’il soit devenu un des morceaux les plus joués et les plus demandés de l’histoire du jazz tient, à mon sens, à ce que les Anglo-Saxons appellent le healing, la force de soin et de guérison de la musique. “Music is the healing force of the Universe” [« La musique est la force de guérison de l’Univers »], disait le saxophoniste Albert Ayler. À l’instar de Vivaldi dans les Quatre Saisons, Gershwin inscrit l’histoire humaine au sein du temps du monde et du foisonnement de la nature. Et la ligne mélodique – ces trois premières notes qui outrepassent l’harmonie et reviennent de manière lancinante – donne une dimension intemporelle à l’instant présent. Dans mon interprétation, j’ai essayé de m’émanciper progressivement de ces trois notes initiales, de déconstruire le thème en quelque sorte pour faire mieux entendre l’harmonie de l’ensemble. Et cela m’a permis de donner expression à l’attente de l’été qui est la nôtre en cette période de confinement. » 

 

Come Sunday / Duke Ellington (1942)

“Ce morceau incarne la capacité de la musique à porter la mémoire et l’espoir, le souvenir du passé et l’attente d’une autre vie”

Raphaël Imbert

« Ce titre appartient à un album mythique, Black, Brown and Beige, qui est une grande suite sur l’histoire de l’émancipation du peuple afro-américain dans la diversité de ses épisodes, avec le travail dans les champs de coton, le rappel de la participation des Haïtiens au combat pour l’indépendance américaine, etc. Au coeur de cette grande fresque allégorique, Ellington fait place à un moment de suspension avec ce morceau, Come Sunday [“que vienne dimanche”]. La mélodie est très simple, pentatonique [fondée sur cinq notes], mais tout le contexte harmonique reste nébuleux. Ellington entend ainsi exprimer la part de sacré que la communauté afro-américaine porte en elle. “Come Sunday !”, c’est une prière, l’attente du repos, d’une échappatoire. Pour les amateurs de jazz européens, formés dans une culture laïque et dans l’idée que le religieux est l’une des formes paroxystiques de l’aliénation, il est difficile de comprendre pourquoi faire place à une prière religieuse dans une œuvre qui est une charge contre l’oppression. Mais en 1943, quand le saxophoniste alto Johnny Hodges se lève au milieu du Carnegie Hall, le temple de la musique classique occidentale, pour l’interpréter pour la première fois, il met tout le monde d’accord. C’est un morceau très lent. Et Ellington, qui était pourtant le maître du swing, insistait auprès de ses musiciens pour qu’ils prennent le temps. “Jouez-le comme si vous étiez dans le noir”, disait-il. C’est ainsi qu’il faut l’écouter aussi. Ce morceau ne se révèle que dans la liberté que l’on prend avec le temps. Il nous détache de la pulsation du rythme et du temps des horloges pour nous installer dans une sorte d’évanescence. Dans mon interprétation, j’ai essayé d’exprimer cette élasticité psychique du temps. Il se trouve que c’est un thème que j’ai joué pour l’enterrement de ma mère. À l’époque, je n’étais pas sûr d’y arriver… Depuis, il n’y a pas un concert où je ne l’interprète pas. Il incarne pour moi la capacité de la musique à porter la mémoire et l’espoir, le souvenir du passé et l’attente d’une autre vie, ici-bas. Et peut-être après la mort pour les croyants. 

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