Le billet de Catherine Portevin

Pendant que j’y pense/Juin 2021

Catherine Portevin publié le 2 min
Comment lire des livres que l'on ne comprend pas

 

Lire, c’est du sport ! Il y faut de l’entraînement, de l’organisation, de la patience et le dur désir de durer. Nombreux sont les éloges de la lecture qui la jouent ludique : allez-y, n’importe comment, lisez n’importe quoi, ne vous laissez pas intimider par les chefs-d’œuvre, l’évasion et le plaisir sont au bout du chemin. Olivier Haralambon, lui, présente la lecture par la face nord comme il abordait la montée du mont Ventoux lorsqu’il était cycliste professionnel. Et c’est en coach sportif qu’il nous explique Comment lire des livres que l’on ne comprend pas (Premier Parallèle, 96 p., 8 €) : volonté, effort, dispositions du corps, diététique (« Menu Malebranche : 2/3 de riz et 1/3 de lentilles, ou menu Derrida : riz et filets de maquereau »). Il y aura des « séances dures », crayon en main, cinq pages à l’heure maxi (ne pas craindre la lenteur), où l’on peut aussi incorporer les concepts « à l’état gazeux » en lisant à voix haute, quitte à faire l’acteur en imitant la voix de Michel Foucault ou celle de Louis de Funès, peu importe. Et durant des « séances lâches », on relira brièvement dans le métro ou en se rasant les passages labourés la veille… Après dix ans de vélo, Olivier Haralambon a entrepris des études de philosophie à 35 ans. Un jour, son directeur de master lui a dit « comme on annonce une maladie mortelle » qu’il ne pourrait pas échapper à la lecture in extenso de la Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty. Alors, le cycliste en lui a remis le maillot, convaincu que lire, comme exister, est une épreuve. Et une épreuve physique : « C’est pour ça qu’elle est accessible à tous », conclut-il… à condition de « repousser l’illusion selon laquelle toute difficulté serait contournable ». Son livre à lui, qui se lit en roue libre, transmet la jubilation de pédaler dans les côtes, ce qui est au fond une bonne manière de comprendre.  

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