Pendant que j’y pense / Février 2020

Catherine Portevin publié le 2 min

Les sorcières reviendraient-elles en force dans notre ère post-Me Too ? Après le succès du livre de Mona Chollet (Sorcières, La Découverte) sort le roman hanté de notre chroniqueuse Isabelle Sorente, Le Complexe de la sorcière (JC Lattès, 300 p., 20 €). Une « apparition » en est le point de départ : les yeux éperdus d’une femme qui subit un interrogatoire. « Dis-le que tu es une sorcière », intime l’homme face à elle. L’écrivaine est de celles qui cherchent. Elle s’est plongée dans une bibliographie substantielle, tiraillée entre la « team » histoire et psy, et la « team » sorcières et magiciens. Remontent sa généalogie personnelle, ses souvenirs de collégienne harcelée, sa psychanalyse... L’histoire : 200 000 femmes ont été accusées de sorcellerie et la moitié d’entre elles brûlées en Europe entre le XVe et le XVIIe siècle, au tournant de la modernité. Rapporté à la démographie de l’époque, ce nombre signifie que n’importe quelle femme pouvait être touchée : « Même si votre ancêtre n’a pas été brûlée, note Isabelle Sorente, vous pouvez être sûr qu’elle a vécu dans la terreur », qu’elle a été soupçonnée d’être autre que ce qu’elle était, frappée d’illégitimité… À l’heure où Descartes affirme : « Je pense, donc je suis », des inquisiteurs disent à des milliers de femmes : « Tu ne vaux rien. » Quelles empreintes ce meurtre de masse nous a-t-il léguées ? L’amour même est-il « hanté par quelque chose que nous ne voulons pas reconnaître » ? Cette enquête est une quête des origines dans notre imaginaire de femmes qui ne sont jamais sûres de ne pas être folles, et d’hommes qui ne sont jamais certains qu’elles ne le soient pas, impuissants à empêcher la chasse aux sorcières : « C’est aussi cela un féminicide, l’impuissance des hommes. » Au cœur le plus lumineux du livre : les amies sœurs. Le Complexe de la sorcière est aussi une histoire d’âmes sœurs. 

Expresso : les parcours interactifs
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