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“Nezouh” (Soudade Kaadan, 2023). © Pyramide Films

Cinéma

“Nezouh” : peut-on rêver sous les bombes ?

Ariane Nicolas publié le 23 juin 2023 4 min

Sorti ce mercredi, le film Nezouh, de la réalisatrice syrienne Soudade Kaadan, raconte l’histoire d’une famille syrienne dont le père refuse de quitter l’appartement familial, pourtant menacé par la guerre. Une tragi-comédie où le déni se fait acte de résistance.


 

« La maison n’a rien, tout va bien ! » Un bombardement vient d’arracher la façade de l’immeuble, détruire une partie du mobilier et tout ensevelir sous la poussière, mais rien n’y fait, Motaz ne partira pas. Ce père de famille, qui vit avec sa femme Hala et leur fille Zeina dans la banlieue de Damas, serait-il en train de perdre la tête ? La mort rôde dans ce quartier déserté mais il refuse de quitter le foyer, contraignant sa famille à faire de même : « Je préfère tomber raide mort que d’être traité de réfugié. »

La poésie contre le réel

Motaz est un tyran domestique… et un doux rêveur. Fantasque, il danse comme à un mariage lorsqu’il parvient à réparer – pour quelques minutes – le générateur électrique qui doit leur permettre de tenir un peu. Tous les jours, il va chercher de l’eau on ne sait où, fouille dans les décombres à la recherche de nourriture, rafistole les draps qui tiennent lieu de fenêtre. C’est dans cette atmosphère surréaliste et pesante que Zeina, 14 ans, l’héroïne discrète de Nezouh, tente de trouver une échappatoire. Au cours du bombardement, un trou parfaitement rond ouvre comme par magie le toit de sa chambre. Elle peut regarder le ciel, et continuer de rêver, sous le ciel étoilé, comme une enfant.

En arabe, le mot nezouh (نزوح) signifie « déplacement », « mouvement », « exode ». Il peut s’appliquer aux corps, aux âmes ou aux éléments, tels que l’eau. Cette eau qui inspire tant Zeina, dont le rêve est de devenir « pêcheuse » (« Mais le féminin de pêcheur existe-t-il en arabe ? »). Sous nos yeux, le ciel qu’elle contemple se change en onde, les oiseaux forment des galets qu’elle fait ricocher en pensée autour des nuages, et de sa petite canne à pêche elle lance ses filets dans l’éther. Le film de Soudade Kaadan est parsemé d’images poétiques, qui viennent contredire la tragédie qu’endure cette famille condamnée par la guerre. La mère, seul pôle raisonnable de la maisonnée, observe ce spectacle avec réserve, craignant que le déni, qui les aide un temps à survivre, ne finisse par leur être fatal.

Déchirure de l’exil

Est-on vraiment obligé d’obéir au réel, de céder à ses lois implacables, lorsque celui-ci est trop difficile à vivre ? C’est la question que se pose cette famille damasienne, dernière à tenir sa position dans ce quartier fantomatique, mais aussi la réalisatrice de Nezouh, bien consciente que filmer la guerre en Syrie sans montrer de chars, de cadavres ni citer le nom de Bachar el-Assad tient de l’étrangeté, sinon du faux-pas moral. Kaadan ruse donc, à travers le personnage d’Amer, un voisin de l’âge de Zeina qui tourne un documentaire sur les combats à proximité. Il tendra aussi son micro à Zeina pour recueillir son témoignage. Alors qu’il lui montre un extrait de son film, la jeune fille proteste : « Éteins. Je ne veux pas voir un film où une personne meurt dedans. » Réplique d’Amer : « Un film sur la Syrie où personne ne meurt, ça existe ? » Oui, et il s’appelle Nezouh.

Tandis qu’une amitié amoureuse se tisse entre les deux adolescents, qui se retrouvent en cachette sur le toit de l’immeuble, le réel refait son apparition sous une autre forme. Un proche de la famille s’invite chez cette famille pour proposer un mari à Zeina, pourtant à peine pubère. Un combattant des groupes armés rebelles, comprend-on, ce qui expose Zeina non seulement à un mariage précoce, mais à un veuvage certain. Pour la mère Hala, c’en est trop. Contre l’avis de son mari, et pour protéger sa fille de cette menace patriarcale plus sourde que les bombes, mais tout aussi dévastatrice, elle décide de fuir et de rejoindre un camp de réfugiés. Avec en ligne de mire, l’Europe, où vit déjà une de ses filles.

Dans Nezouh, un motif visuel revient, celui de la déchirure. Le premier et le second plan sont délimités par un élément du décor (un mur de pierre, un drap, le feuillage d’un arbre) qui découpe inflexiblement l’écran. La mise en scène figure ainsi un avant et un après, à l’image du destin difficile qui attend la famille, malgré les réticences tragi-comiques de Motaz. En laissant la violence de la guerre hors champ mais en montrant les déflagrations intimes qu’elle cause chez les personnages, Soudade Kaadan parvient à en transmettre toute l’horreur et l’absurdité, sans céder à l’angélisme. Si la caméra ne peut rien contre les bombes, son pouvoir est ailleurs : faire voyager loin de Syrie les larmes et les rêves que les exilés, devenus nos voisins, ont emportés dans leur périple.

 

Nezouh, de Soudade Kaadan, est en salles depuis le mercredi 21 juin 2023

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