Michael Edwards. Au pays des merveilles

Anne-Sophie Moreau publié le 4 min

De nos jours, qui songe à s’émerveiller ? L’explication scientifique paraît depuis longtemps avoir remplacé la poésie des mythes. Les contrées les plus mystérieuses sont quadrillées par les cartes IGN et les réseaux GPS, les liaisons satellites ont arraché à l’Aurore ses doigts de rose, et Zeus s’est vu confisquer sa Foudre par le bulletin météorologique : face au « désenchantement du monde » moderne, le merveilleux des contes et des légendes est relégué à l’imaginaire enfantin. À l’heure où la philosophie se fait analytique, où les neurosciences et la sociologie expérimentale triomphent, l’émerveillement philosophique semble vaincu d’avance, paralysé par les électrodes et les statistiques. C’est pourtant à l’adage platonicien, « l’émerveillement est le commencement de la philosophie », que se consacre le poète et traducteur Michael Edwards. Sans prôner un retour à l’innocence du jardin d’Eden, De l’émerveillement en propose une relecture originale, en montrant que « l’émerveillement, loin de diminuer et de disparaître, s’accroît avec le savoir, […] il le stimule, l’accompagne et le couronne ». Être étonné par le monde qui nous entoure n’est pas le fait de la naïveté : « Il n’y a rien de plus adulte ni de plus sérieux que de s’émerveiller. » Le propre de l’attitude philosophique est de se laisser surprendre. Le questionnement socratique dérange Théétète, qui est « pris de vertige » dans son appréhension des nombres et des grandeurs. Cette tension, cet inconfort sont nécessaires à la réflexion du jeune penseur confronté à l’incommensurabilité du réel. À l’inverse, il y a une stupidité dans la certitude, dans la tranquillité face à ce que l’on croit évident, définitivement résolu.

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